La pêche en haute mer, ou l’économie à courte vue
Fermer la haute mer à la pêche n’entraînerait au minimum aucune baisse sur les captures au niveau mondial, et pourrait même être rentable pour un grand nombre de pays, selon une étude publiée ce 12 février dans les Scientific Reports.
Faut-il restreindre la pêche aux zones économiques exclusives (ZEE), et l’interdire définitivement en haute mer? D’un point de vue environnemental et économique, la réponse est clairement oui, si l’on en croit l’étude publiée par l’équipe de Daniel Pauly, spécialiste des ressources halieutiques à l’université de Colombie-Britannique (Vancouver).
Premier constat: entre 2000 et 2010, 80 millions de tonnes de poissons ont été pêchés en moyenne chaque année, dont 10 millions de tonnes en haute mer. Et parmi elles, seules 3.000 tonnes concernent des espèces pêchées uniquement en haute mer. Quant aux autres, elles sont également pêchées dans les ZEE, la plupart migrant à partir des eaux internationales. Or ces déplacements pourraient fortement s’accroître, si on laissait ces espèces se régénérer dans une haute mer sanctuarisée.
Les chercheurs ont étudié plusieurs scénarios de colonisation des zones côtières par des poissons provenant de la haute mer. Pour l’hypothèse la plus modeste, celle selon laquelle 18% des prises de poissons présents dans les deux zones augmenteraient dans la ZEE après fermeture de la haute mer, il n’y aurait aucune perte en termes de captures au niveau mondial.
La plupart des pays sont gagnants
Cent-vingt pays y gagneraient même d’un point de vue économique, tandis que 65 y perdraient, la situation s’améliorant pour tous dès que le taux de migration des poissons s’élève. La France subirait ainsi une perte de 48 millions d’euros par an pour un scénario à 18%, mais devrait au contraire encaisser un gain annuel de 248 millions d’euros pour le scénario 42%, sur lequel ont tablé d’autres chercheurs lors d’une étude menée en 2014.
«D’un point de vue environnemental et économique, il serait sensé de fermer la haute mer à la pêche, d’en faire un réservoir à poissons pour le monde. La réaction habituelle à ce genre d’affirmation consiste à dire que cela va engendrer de l’insécurité alimentaire, du fait d’une réduction des captures, des problèmes d’emploi et de profits, or nos résultats montrent que ce n’est pas probablement le cas, et même bien au contraire», expliquent les chercheurs.