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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
9 février 2015

Le PS ne fait pas plus «monter le FN» que ce dernier fait «gagner le PS»

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C'est devenu un classique, à droite, pour justifier une défaite ou évoquer une bataille électorale impliquant le FN et le PS : les renvoyer dos à dos. C'est ce qu'a fait Brice Hortefeux, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, à propos de l'élection partielle du Doubs, remportée sur le fil par le PS. 

Ce qu'il a dit : 

«Le PS fait monter le Front national et le Front national fait gagner le PS. C'est ce que l'on appelle de l'entre-soi».

1. Le PS fait-il «monter le Front national» ? L'argument est un classique à droite. Malheureusement, il n'en est pas exact pour autant.

Pourquoi c'est faux

Si on prend les scores du FN à toutes les élections depuis 1974, on le constate aisément : ses percées ont lieu autant lorsque la majorité est à droite que lorsqu'elle est à gauche.  

Si le FN a obtenu son meilleur score historique lors des européennes de 2014, on ne peut pas dire qu'il a été maintenu bas durant la décennie qui a vu l'UMP était au pouvoir : son second meilleur score historique date de la présidentielle 2012. Et on note une dynamique de progression entre les législatives 2007, les européennes 2009 et le scrutin présidentiel de cette année.

Sur les treize fois où le FN a dépassé 10 % depuis 1984, la gauche était au gouvernement six fois et la droite sept fois. Bref, l'une comme l'autre peuvent être accusées de «faire monter le Front national».

Les percées électorales du FN surviennent sous des gouvernements de droite comme de gauche

Scores électoraux du Front National aux premiers tours des élections présidentielles, législatives et européennes depuis 1974, suivant la couleur politique du gouvernement (couleur plus foncée en cas de cohabitation).

Suffrages exprimés

Nombre de voix

Si on regarde non plus les scores mais les voix, on constate là aussi que le FN progresse autant sous la droite que sous la gauche. Là encore, la progression est notable entre 2007 et 2012.

Bref, absolument rien ne permet de dire que «le PS fait monter le Front national».

Pourquoi c'est invérifiable

2. Le FN ne fait pas «gagner le PS»

Quant à la deuxième partie de la phrase, elle est tout aussi douteuse : le FN ferait «gagner le PS». Un classique, que ressort notamment Nicolas Sarkozy à intervalles réguliers. Elle trouve sa justification dans le fait que Marine le Pen a, selon quelques personnalités de l'UMP, appelé en 2012, à voter Hollande. «Monsieur Valls était bien content du coup de main de Madame Le Pen entre les deux tours de la présidentielle, quand elle a appelé à ne pas voter pour moi», notait ainsi M.Sarkozy lors d'une interview en novembre 2014.

Mais là aussi, c'est factuellement inexact : Marine Le Pen n'a appelé à voter ni pour ni contre Hollande ou Sarkozy. «Dimanche, je voterai blanc», avait-elle lancé à ses partisans le 1er mai 2012, renvoyant dos à dos les  «deux candidats du système», même si elle s'était montrée plus virulente envers M. Sarkozy et son bilan qu'envers le candidat Hollande.

Toujours est-il que, selon les analyses électorales, une bonne part de l'électorat FN du premier tour de 2012 s'est reportée sur Nicolas Sarkozy au second, consigne ou pas : 51% de son électorat aurait voté pour le candidat UMP contre 14 % pour le PS et 25 % qui se seraient abstenus, selon un sondage Ipsos pour Le Monde. En 2007, Nicolas Sarkozy avait récupéré plus de cet électorat, jusqu'à 70 %.

Quant aux autres victoires que le PS devrait au FN, on peine à les trouver. L'argument peut être que le FN, lorsqu'il est haut, se retrouve en triangulaire durant des seconds tours, ce qui nuit généralement plus à la droite qu'à la gauche. Et encore : depuis 2012, aucune triangulaire n'a opposé PS, FN et UMP. En revanche, l'UMP s'est retrouvé face au FN en 2013 dans la 2e circonscription de l'Oise, dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, dans la 21e du Nord ou dans la 3e de l'Aude, en 2014. A chaque fois, c'est le candidat UMP qui l'a emporté.

En réalité, ces discours s'adressent surtout aux militants, et visent en partie à légitimer la position du «ni-ni» (ni appel à voter PS, ni appel à voter FN) suivie par l'UMP depuis 2009. Mais ce sont avant tout des slogans, qui ne reposent pas sur des éléments réels. Et ce d'autant moins que les électeurs ne sont plus, depuis longtemps, des «soldats» disciplinés qui respectent les consignes de vote de tel ou tel.

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