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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
27 septembre 2012

"Racisme anti-Blanc" : M. Copé, je suis Arabe, laissez-moi vous expliquer le racisme (par Mohamed du Val d'Oise)

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LE PLUS. "Un racisme anti-Blanc se développe", dixit Jean-François Copé, candidat à la présidence de l'UMP. Un de ceux qui entraînent une discrimination à l'école, des contrôles de police sans motif et des difficultés accrues pour trouver du travail ? Parce que c'est celui-là que connaît bien Mohamed (prénom d'emprunt), qui livre ses anecdotes.

Ah, ce bon vieux racisme anti-Blanc remis sur le devant de la scène par monsieur Copé dans son dernier ouvrage ! En ce qui me concerne, je suis un Arabe, je ne peux certainement donc pas le comprendre. Cependant, j’ai toujours vécu en banlieue, à l’Ile-Saint-Denis d’abord, puis à Cergy jusqu’à mes 28 ans, et dans une famille de prolos (les établissements scolaires privés, c’était pas pour moi). Alors question racisme, j’en connais un rayon. 

A l'école primaire

Pour moi, ça a commencé à l’école primaire. Quand retentit le "à la porte Mohamed" parce que, comme souvent, je n’écoutais pas l'instituteur (je préférais regarder les nuages par la fenêtre), jusque-là rien de grave.

Par contre quand, debout contre le mur à purger ma peine, un autre prof vient me chercher en m’invectivant : "Tu vas nettoyer ce que t’as fait dans les toilettes !" (oui, quelqu’un avait lâché un bronze sur le carrelage au lieu de viser dans le trou), c'est que dans son esprit, ça ne pouvait qu'être moi : ce petit Arabe qui soulève les jupes de ses camarades de classe à la récré, qui joue au foot avec sa bande de copains, qui crie tout le temps…

Le problème, c’est que quand tu es innocent et qu’à l’âge de 9 ans, tu te retrouves à ramasser la merde de quelqu’un d’autre, ça énerve pour la suite.

Avec la police

J'ai 12 ans et on part en vacances avec mes parents. Départ de Franconville, depuis chez ma tante qui habitait à l’époque avenue du Général Leclerc, à deux pas du commissariat, pour ceux qui connaissent. Départ de nuit, pour éviter les bouchons, comme tout le monde hein, normal quoi.

Minuit moins le quart, Maman me demande : "Mohamed, tu veux bien charger ces trois sacs dans le coffre, on part dans 10 minutes." Ben finalement, on est parti deux heures plus tard. Pourquoi ? Parce que le petit Mohamed de 12 ans, avec ses trois sacs à minuit, il croise les flics. Et que les flics, ils trouvent ça suspect un petit Mohamed dans la rue à minuit…

C’est ce jour-là qu’on m’a mis en cage pour la première fois. A 12 ans.

Au collège

Ah oui, il y avait le collège aussi, c’était sympa ! Je me rappelle mon prof de biologie en 3e, appelons-le Monsieur Berbruge. Le genre de prof que t’avais le vendredi matin pendant deux heures et, arrivé à la fin de la deuxième heure, tu te demandais "comment ça se fait qu’il sent encore l’alcool ?". Bref, le genre de prof que personne n’écoute.

Sauf qu’un jour, il ne trouve rien de mieux à dire, en prenant les autres élèves à témoin et en s’adressant à mes copains et à moi (alors que nous lisions assidûment le journal "L'Équipe", tranquillement assis au fond de la classe) : "Comment ça se fait que c’est toujours ceux qui viennent de pays où il n'y a pas la liberté d’expression qui parlent le plus ?"

Alors déjà, en ce qui me concerne, je suis né en France. Ensuite, vous conviendrez que prononcée par un membre de la communauté scientifique, cette question démontre bien l’incompétence de son auteur… Il a dû s’excuser au cours d’après pour ses propos et il a aussi failli prendre un bouquet de phalanges en pleine pomme par un de mes potes.

A la boîte d'intérim

Après le lycée, bac en poche, j’ai connu une petite période de chômage. Donc direction la boîte d’intérim, avec mon copain Eddie. On s’est inscrit ensemble un vendredi.

Le lundi matin, je me pointe en premier à 8h45, avant même l’ouverture, je vois la nana de la boîte d'intérim lever le rideau de fer… Elle me dit qu'il n'y a pas de boulot et d’inscrire mon nom sur une feuille. A midi, je vais réveiller mon pote Eddie, un vrai fainéant, toujours pas sorti de chez lui. Et là, j’apprends qu’il a reçu un coup de fil de la boîte d'intérim dans la matinée et qu’il va vendre des téléphones portables au PhoneHouse du centre commercial des 3 Fontaines à Cergy.

J’ai bien compris qu’on ne donnerait pas ce genre de job à un Mohamed. D’ailleurs, pendant un an, je ne me suis tapé que des missions de manutentionnaire.

Au boulot

Et comme je suis maso, pendant mes études supérieures, je suis retourné au collège, en tant que pion cette fois. Et en Zep, à Saint-Ouen-l’Aumône. Vous savez, ce genre d’établissements que les enfants de Jean-François Copé n’ont jamais fréquentés. Bah ouais, sinon, monsieur Copé saurait qu’en 2005, un petit Noir pouvait appeler son copain arabe "Ben Laden" toute la journée, comme ça, juste pour rigoler. Et que le petit Arabe pouvait appeler en retour son copain "esclave" toute la journée, comme ça, pour déconner. Sans qu’aucun des deux ne le prenne mal...

Et c’est là que, pour la première fois de ma vie, j’ai appris grâce à une collègue qu’être un Arabe en France pouvait être un atout. On va l’appeler Sandrine. Elle était marrante Sandrine, étudiante en histoire. Après quelques semaines, elle m’a confié comme ça : "J’aurais jamais pensé qu'il y avait autant de misère sociale en France." J’ai explosé de rire, je crois que ça l’a vexée. Faut dire qu'elle venait de la cambrousse…

Bref, un jour elle a fini par me dire, voyant que j’avais une certaine autorité sur les gamins : "Oui mais tu dois reconnaître que c’est plus facile pour toi." Pardon ? "Bah parce que t’es un rebeu et vu que y'a que des rebeus comme élèves"… Ce à quoi j’ai rétorqué : "Ça me fait plaisir ce que tu viens de dire, ça veut dire que dans toutes les autres sphères de la société, c’est plus facile pour toi." Elle m’a demandé pourquoi, l’air étonné. "Bah parce que tu es blanche et sur le marché du travail, il n'y a que des Blancs." Elle avait encore l’air vexé.

Puis il y avait Nathalie aussi (nom modifié), une collègue de 55 ans, assistante d’éducation comme moi. Tous les midis, elle se plaignait de l’odeur de curry que laissaient les femmes de ménage dans le micro-ondes collectif de notre salle à manger (la plupart étaient antillaises). TOUS les midis, on avait droit à : "Aaaaaah, ça pue leur truc !" à tue-tête. J’ai vite décidé de manger tout seul.

Dans le métro

Après, j’ai fait une grande école à Paris. Parfois, nous étions amenés à nous déplacer en groupe. On prenait les transports en commun ensemble, avec les gens de ma promo. J’en profite pour m’excuser auprès d'eux pour le temps que je leur ai fait perdre, une fois, à la station Châtelet. Et oui, on a croisé les flics, mes camarades ont dû attendre que ces derniers terminent de me contrôler…

Cette tribune, juste pour dire que je pense que Jean-François Copé, essaie de mettre en avant une solidarité raciale (celle des "Blancs") pour tenter d’éclipser une solidarité de classe (celle des Smicards) qui, à mon humble avis, ont de plus en plus conscience d’être dans le même bateau, quelle que soit leur couleur de peau.

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