"On a fait de Pôle emploi un organisme de contrôle", déplore Gaby Bonnand

Le président de l'UNÉDIC, également administrateur de Pôle Emploi, Gaby Bonnand, termine sa mandature en estimant que la fusion ANPE-ASSÉDIC n'est "pas contestable", mais a été "mal faite", transformant Pôle Emploi en "organisme de contrôle". Il déplore la "politique du chiffre" dans un entretien à l'Associated Press, à l'occasion de la sortie de son livre : "Pôle Emploi. De quoi j'me mêle?".

AP : A lire votre livre, on a l'impression d'une machine folle où les agents et les chômeurs souffrent ensemble face à des directives qui ne correspondent pas à la réalité du terrain...

Gaby Bonnand : Je pense qu'il y a eu une volonté de faire du chiffre. Il fallait afficher que Pôle Emploi s'entretient avec les chômeurs, reçoit, traite des dossiers. On reçoit 250.000 chômeurs de longue durée en six mois. Pour régler quoi ? Pour leur dire quoi ? Juste pour dire 'on l'a fait'. Peu importe ce que ça produit de concret, l'important c'est de faire du SMP (Suivi mensuel personnalisé). Cette politique du chiffre a fait de Pôle Emploi un organisme de contrôle des chômeurs.

AP : En regardant les derniers chiffres du chômage et les prévisions à venir, et en tenant compte de la situation que vous décrivez, comment va faire Pôle Emploi pour tenir le choc de la crise?

GB: Plutôt que de faire de la collecte d'offres d'emplois, il faut préparer les chômeurs à rebondir.

L'ANPE avait été créée à une période où il y avait à peu près adéquation entre le nombre de chômeurs et d'offres d'emplois. Il fallait faire de l'intermédiation. Aujourd'hui, on n'est plus du tout là-dedans ! L'intermédiation n'est pas faite pour le chômage de masse, le déficit structurel d'emplois.

Pôle Emploi peut tenir le choc si on dit que ce service public n'est pas là pour faire du placement à tout prix, mais pour se donner le temps de mieux accompagner les chômeurs vers un emploi stable, de manière personnalisée, en donnant aussi de l'importance au volet indemnisation.

Et puis la responsabilité des politiques publiques, et celle des entreprises dans leur action de formation sont passées à l'as. On est dans une situation qui est catastrophique, pas seulement humainement mais aussi économiquement. Car cette masse de personnes se déqualifie. On ne sécurisera pas les gens avec des petits boulots.

AP : Que pensez-vous de l'annonce de Nicolas Sarkozy d'embaucher 1.000 agents supplémentaires en CDD à Pôle Emploi?

GB : Encore de l'éphémère alors qu'il faudrait du durable. 1.000 CDD, on va les former et après on ne va pas renouveler leurs contrats. Après, Pôle Emploi a besoin de moyens mais créer 25.000 postes ne changerait pas le problème. Penser uniquement en terme de moyens reviendrait à dire que c'est Pôle Emploi qui va créer les emplois. Il faut réfléchir à la mission de ce service, et cesser d'avoir pour objectif le chiffre au détriment de l'insertion.

La nouvelle convention (qui cadre les missions de Pôle Emploi pour la période 2012-2014) est plus axée sur l'accompagnement et j'ai bon espoir que les choses évoluent. Même si ce sera long.

AP