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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
8 juillet 2015

A la fête de la violette, ça ne sent pas la rose

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Créée en 2013 pour motiver le retour de Nicolas Sarkozy au pouvoir, la Fête de la violette célébrait samedi dernier sa troisième édition et - c'est une première - en présence du grand manitou. Ce troisième grand rassemblement de la droite, un peu trop centriste pour certains militants, aura eu le mérite d'asseoir davantage la toute-puissance du capitaine. Porté aux nues par quelque 2500 militants en délire, par la Droite forte (pourtant boudée l'année dernière à la même époque), mais aussi par UDI qui comptait quelques-uns de ses élus ce jour-là. Reportage.

Fête de la violette (07-2015) 01

Il faut reconnaître que ça avait de la gueule. Le domaine de la Sauldre, fief de la Fête de la violette, au cœur de la Sologne, compte piscine découverte, restaurants champêtres, immenses carrés de pelouse sillonnés de sentiers de terre battue très «promenons-nous dans la fraîcheur du soir», et un magnifique château du XIXe, de style néo-Renaissance... Un détail esthétique qui n’échappera pas à Guillaume Peltier, cofondateur de la sauterie et maire d'une commune voisine.

Au cours d'un discours extatique, produit juste avant celui de Nicolas Sarkozy, ce pilier de la Droite forte ne cessera d'appeler à une «nouvelle renaissance» dans son terreau qui fut si fertile en «artistes» et en «fières cathédrales». Une métaphore filée entre Histoire (ah... «Jeanne d'Arc au pays de Chartres» ...) et quasi-mysticisme, dans une analogie subtile entre le sacre de Charles VII et le retour de Sarkozy.

À l’arrivée au pupitre de ce dernier, sur une musique évoquant celle de Pirates des Caraïbes, les quelque 4 000 militants revendiqués par les organisateurs s'embrasent. Son speech féroce durera quarante minutes.

Les flèches de l'ex-président partiront de toutes parts. Après avoir tempêté contre Aléxis Tsipras, «qui ne partage aucune de nos valeurs» mais bénéficie d'une épouvantable «complaisance médiatique», il appelle à la création d'un «gouvernement économique européen», afin que soient «protégés les dix-huit autres pays de la zone euro» plutôt qu’Athènes. Sarko accuse aussi François Hollande d'offrir un spectacle «consternant» en brisant le ménage «indestructible» qui lie la France à l’Allemagne.

LES FOFOLLES DE SARKO

Niveau religieux, il s'incline sur les racines judéo-chrétiennes de la civilisation européenne, que la Constitution européenne aurait dû «adopter». Il appelle aussi à se battre pour un «islam de France» plutôt qu'un «islam en France», en référence à la catholicité, qui a eu, elle aussi, de la peine à se faire à la laïcité. Sarkozy veut «punir» les personnes qui «consultent» des sites djihadistes. «Nous sommes attachés à notre mode de vie et nous ne voulons pas en changer», etc.

On est loin de la kermesse champêtre et des pompons de papier crépon aubergine qui inondent le domaine. L'offensive politique reprend ses droits. En congratulant les centristes (les amis de l’UDI), qui s'allient aux Républicains à quelques mois des régionales, appelant Philippe Vigier (UDI) et Guillaume Peltier à constituer un tandem dans le Centre-Val de Loire. En surveillant les déviants de son camp, aussi : «Je fais semblant d'être sourd et je fais semblant d’être aveugle, […] Mais ça ne durera qu’un temps !» gronde la vedette sous les bravos. Le discours récolte un succès du tonnerre, c’est le cas de le dire, puisqu’un orage torrentiel éclate à son arrivée, conduisant Hortefeux à son trait d’esprit de la journée : «Que voulez-vous… Nicolas Sarkozy électrise tout».

Fête de la violette (07-2015) 02Effectivement, la foule est chauffée à blanc. «Pleine d’amour», avance Geoffroy Didier, l’autre jeune loup de la Droite forte. Des sexagénaires survoltées, parmi la quarantaine de militants de la section alsacienne des Républicains débarqués du bus le matin, agitent les cœurs qu’elles forment de leurs mains, en hurlant «Nicolas, mon Nicolas !», déclenchant l’hilarité de leurs maris. La section de Levallois est au diapason. Pour se faire entendre parmi les beuglements érotisés,  Nicolas est obligé de tempérer les ardeurs. «Je ne vais pas partir tout de suite vous savez» rassure-t-il. Sandrine, une blonde du Loir-et-Cher qui se définit comme «fofolle», reconnaît que le «charme» de Nicolas est la clé de son engagement.

Les «valeurs partagées» aussi, surtout sur l’immigration, qui tient une place de choix dans le discours de l’ancien président. Comment ne pas «s'inquiéter» des «milliards d’habitants que l'Afrique comptera dans trente ans», des gens «sans travail», «à douze kilomètres seulement du détroit de Gibraltar»? Sandrine se sait proche des idéaux du FN, mais ne voterait pas Marine. La raison ? «C'est une femme... agressive.» Sûr qu’elle dégage moins de phéromone sarkozyste.

Impérialiste, devrait-on dire, puisque le choix de la violette a été fait car cette fleur est le symbole du «ralliement des bonapartistes» selon Guillaume Peltier. Comprenez ceux qui vantent le retour d'une pratique du pouvoir au plus près de son peuple et en méfiance par rapport aux institutions. Si aucun des militants questionnés n’a su mémoriser la sémantique de la violette, ils savent en revanche que sa «fête» est née de l'a nécessité de contrer la Fête de la rose socialiste.

Fête de la violette (07-2015) 03Financièrement, cette dernière est tout de même plus accessible, avance-t-on, Vingt-cinq euros par tête de pipe l'entrée si on achète le billet sur place. Michelle, une femme âgée de La Ferté-Imbault, qui agitait en début de journée un grand drapeau tricolore sur la route qui mène au domaine, a sa réponse : «Si le petit gros nous faisait la vie moins chère, on n’aurait pas besoin de vous faire raquer».

Sur l’allée qui mène au château, une dizaine de stands se battent en duel. Le syndicat étudiant de droite UNI arbore une banderole en réaction à «l’école manipulée» par Vallaud-Belkacern. À son côté, l’association Femmes de droite distribue des tracts pour «libérer la parole» des femmes sur des sujets politiques, selon leur présidente, Maria François. Leurs débats ne sont ouverts qu’aux femmes, à l'exception de deux rencontres mixtes par an. Ne vous y trompez pas, elles ne sont «pas du tout féministes». Et plutôt consternées qu’on ne les prenne pas toujours au sérieux : «Des journalistes nous appellent pour savoir si on trouve Manuel Valls sexy... mais on ’est pas là pour ça»!

À quelques mètres de là, le très distingué conseiller régional d'Île-de-France Geoffroy Didier s'installe pour une séance de dédicaces. «Le communautarisme doit être combattu, explique-t-il à Charlie. Il ne suffit plus de dire "je suis Charlie" ou "Non aux amalgames".» Son bouquin, La Fronde nationale, s'annonce comme un uppercut contre le Front national dans le ton, bien qu'on peine à discerner quels enjeux de société les distinguent vraiment, l’Europe mise à part. À sa gauche, les tenants du stand commercial de chemises de la marque Lordson piétinent depuis la matinée. Fabriquées en France en coton égyptien, leurs créations peuvent aussi porter vos initiales «brodées à la main». Quel chic!

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