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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
6 mars 2015

Le vote obligatoire changerait-il quelque chose ?

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Le député socialiste Philippe Doucet propose, à l'image de la Belgique ou de l'Australie, de rendre obligatoire le vote.

«Un apartheid territorial, social, ethnique» est à l'œuvre dans les quartiers populaires. Au lendemain des attentats de Paris, le premier ministre, Manuel Valls, avait voulu frapper un grand coup et rompre avec un discours convenu sur les banlieues.

Alors que M. Valls préside ce vendredi 6 mars un comité interministériel à la citoyenneté et à l'égalité, le député PS du Val-d'Oise Philippe Doucet a de son côté rendu publiques ses «24 propositions pour lutter vraiment contre l'apartheid».

Outre autoriser les statistiques ethniques, permettre le «teasing» en entretien d'embauche ou tripler le nombre de fonctionnaires de police issus de l'immigration, Philippe Doucet suggère également dans sa proposition n° 23 de rendre le vote obligatoire afin de «lutter contre la logique de relégation (…) qui conduit nombre d'habitants à s'abstenir lors des élections» :

«Rendre le vote obligatoire, comme cela se fait en Belgique, au Luxembourg, en Grèce, en Australie, etc., et rendre automatique l'inscription sur les listes électorales».

L'approche française : le vote est un droit

En France, de fait, le vote obligatoire ne s'applique que pour les élections sénatoriales : les grands électeurs qui s'abstiennent sans raison valable étant condamnés au paiement d'une amende de 100 euros par le tribunal de grande instance, selon l'article 318 du code électoral.
Une exception, car selon l'approche française, le vote est un droit : depuis l'adoption – sans remise en cause ultérieure – du suffrage universel masculin en 1848, complété par celui des femmes en 1944, tout citoyen jouissant de ses droits civiques est libre de participer à un scrutin comme de s'abstenir d'aller voter.

Sauf que la montée continue du taux d'abstention (56 % aux dernières européennes, 38 % aux municipales, 43 % lors des législatives de 2012), qui montre qu'une part grandissante de l'électorat rejette l'offre politique en refusant de se déplacer à un bureau de vote, fait régulièrement revenir la question de la reconnaissance du vote blanc comme celle du vote obligatoire.

Principaux arguments des promoteurs de ce dernier : les candidats, les partis, les leaders auraient aujourd'hui le souci de répondre aux demandes de l'électorat réel, bien plus qu'aux demandes de ceux qui ne votent pas. En clair, si tout le monde votait, les programmes politiques s'en trouveraient infléchis pour répondre aux souhaits du plus grand nombre, et les élus – aujourd'hui majoritairement des hommes d'un niveau social favorisé – plus représentatifs de leur électorat.

Si la prise en compte du vote blanc a été appliquée aux dernières élections européennes à travers la loi du 21 février 2014, aucun projet de loi sur le vote obligatoire n'a franchi l'étape de la commission des lois.

La proposition de M. Doucet n'est en effet pas nouvelle. Plusieurs parlementaires, de gauche comme de droite, ont déposé des propositions de loi visant à rendre le vote obligatoire depuis une décennie, la dernière soutenue par un groupe de 10 sénateurs socialistes, centristes et UMP – dont l'ancien président du Sénat Christian Poncelet. Qui citait déjà en exemple l'expérience de la Belgique ou de l'Australie – parmi la dizaine de pays chez qui voter est un devoir.

En Belgique, le vote est un devoir

La Belgique est l'exemple le plus ancien, l'obligation de voter y ayant été mise en place en 1893. Au dernier scrutin européen, 89,64 % des Belges se sont déplacés aux urnes. Vitalité démocratique ou peur du bâton ?

Selon le code électoral, tout citoyen belge doit s'inscrire sur les listes électorales, et tout électeur s'abstenant de se rendre aux urnes est passible d'une amende de 30 à 60 € la première fois ; jusqu'à 150 € si récidive.

Et la loi ne se contente pas de frapper l'abstentionniste au porte-monnaie, puisqu'elle peut priver de vote pendant dix ans toute personne qui aurait négligé l'obligation de se rendre aux urnes à quatre reprises sur une période de quinze ans. L'abstentionniste ne peut recevoir pendant ce laps de temps ni nomination, ni promotion, ni distinction émanant d'une autorité publique.

Entre les récalcitrants et les personnes ayant motivé leur non-vote pour des raisons médicales ou professionnelles, le taux d'abstention moyen en Belgique se situe autour 10 %.

Mais qu'en serait-il, si, comme en France, l'électeur était libre de s'abstenir ? Selon une enquête du Baromètre social de la Wallonie, en 2013, seuls 60 % des électeurs Wallons se seraient déplacés à coup sûr lors d'élections communales, contre 53 % pour des élections fédérales, 51 % pour des régionales et 47 % pour des européennes si le vote n'avait pas été obligatoire. Des chiffres globalement stables par rapport à une précédente étude en 2007.

La crainte de voir le taux de participation chuter lourdement semble paralyser les tentatives de réforme menées par les opposants au vote obligatoire en Belgique.

En Australie, 93 % de participation

En Australie aussi, le trésor public se charge de demander des comptes aux abstentionnistes. Pris en défaut, l'électeur réfractaire devra justifier son absence dans l'isoloir et pourra recevoir une amende allant jusqu'à 100 dollars (71 €), voire, dans des cas extrêmement rares, une peine de prison.
Instaurée en 1924, l'obligation de voter permet aujourd'hui au pays d'afficher des taux de participation records : 93,28 % aux dernières législatives de 2013. Mais une minorité résiste : nombre d'électeurs australiens potentiels échappent à leur devoir... en faisant les morts. En effet, l'absence sur les listes électorales n'est plus sanctionnée par une amende.

Ainsi à l'occasion du centenaire de l'inscription obligatoire sur les listes électorales, en 2012, le site de la commission électorale australienne révélait que quelque 1,5 million d'Australiens éligibles manquaient à l'appel sur les listes électorales (pour 13 millions de votants en 2013).

Mais la contestation s'intensifie. Certains activistes vont jusqu'à refuser de payer leur amende, refusant que la démocratie participative se résume à une contrainte.

Autre critique, celle qui émane des petits partis, qui craignent que le vote obligatoire ne pousse vers les partis de premier plan des électeurs en manque de connaissances et d'intérêt pour la politique.
Reste que plus de 70 % des Australiens se disent attachés au vote obligatoire, quel que soit leur milieu social. Un chiffre qui n'a pas baissé depuis plus de quarante ans.

En France, l'institut de sondage IFOP a interrogé, pour Valeurs actuelles, ceux qui s'apprêtaient à s'abstenir aux élections européennes du 25 mai 2014. En cas de vote obligatoire, les abstentionnistes auraient voté... comme ceux qui ont voté, le FN faisant la course en tête, devant l'UMP et le PS.

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