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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
6 février 2015

Attentats : le combat de l'imprimeur de Dammartin-en-Goële

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Michel Catalano, patron de l'imprimerie de Dammartin (Seine-et-Marne), détruite le 9 janvier lors de l'assaut des forces de l'ordre contre les Kouachi, assassins de 12 personnes à Paris, se confie.

Michel Catalano

Il sourit en proposant un café. «Un réflexe, j'en bois même avec des terroristes !» Michel Catalano est la dernière personne à avoir vu les frères Kouachi vivants avant l'assaut du Raid et du GIGN. Après s'être réfugié plusieurs semaines dans le silence, le patron de l'imprimerie CTD a accepté de se confier.

Longuement. Un homme pas encore remis de ce qui lui est arrivé. Il raconte avec difficulté cette heure et quart face aux terroristes qui a changé sa vie.

Pourquoi acceptez-vous aujourd'hui de parler ?

Michel Catalano. Je n'ai pas envie de parler de ce qui s'est passé. C'est encore trop près pour moi. Je veux surtout remercier cet élan de solidarité qui m'a aidé à repartir. Au départ, je voulais vraiment remonter l'entreprise tout seul. Et les commerçants de Dammartin ont lancé une cagnotte de soutien (NDLR : 90 000 € collectés sur Leetchi.com). Je reçois tous les jours des lettres de toute la France. Du monde entier même. Dans les premiers jours, elles m'ont permis de me ressourcer. Aujourd'hui, elles continuent à me donner envie de redémarrer. La France entière s'est mobilisée. La France, c'est aussi ça. Et je suis fier d'être français.

Cet élan de solidarité vous permet de penser que CTD va pouvoir relancer son activité ?
Mon outil de production n'existant plus, il faut tout recommencer. J'ai mis presque quatre semaines à trouver des bureaux, à me réinstaller à Dammartin pour remettre en route la machine. Ça prend du temps. Je sais que le chemin va être long. Cette entreprise, c'est quinze ans de ma vie, de ma famille et de mes employés. Parfois, je voudrais déjà être dans un an ou deux pour savoir si l'imprimerie a pu repartir.

Pensez-vous réintégrer un jour vos anciens locaux ?
Quand j'y retourne, c'est vraiment difficile. Je ne peux pas m'empêcher de revoir des scènes que j'ai vécues. A chaque fois, c'est un choc. Il faut tout changer, reconstruire un nouveau CTD. Il faudra six à neuf mois pour refaire le bâtiment. En attendant, j'ai des confrères qui me permettent d'utiliser leurs machines, de leur acheter la marchandise. Je veux aller vite et garder mes clients, sinon avoir des locaux neufs ne servira à rien.

Avez-vous le sentiment que l'Etat vous a suffisamment soutenu ?
Aujourd'hui, j'ai un soutien moral. Mais je n'ai pas de soutien financier de l'Etat. On ne m'a rien donné et je ne pense pas que l'Etat m'aidera financièrement. J'ai un sous-préfet formidable qui répond à toutes mes demandes concernant les institutions. Des membres importants du gouvernement m'ont dit qu'ils allaient m'aider, mais je ne sais pas de quelle manière. Je suis surpris, c'est comme si l'entreprise avait connu un sinistre normal. Ça fonctionne avec les assurances (NDLR : CTD a reçu 70 000 € en urgence). Je pensais pourtant que l'Etat serait le premier à nous débloquer un peu d'argent.

Récemment, vous nous confiiez avoir regretté de ne pas avoir embrassé votre épouse le matin du 9 janvier...
Comme m'a dit le psychiatre, j'ai raté le rendez-vous avec la mort. Je ne vois plus les choses de la même manière, c'est important de dire aux gens qu'on les aime, de passer du temps avec eux. Ça paraît puéril, mais c'est vraiment ce que je ressens tous les jours. Un matin, on part au travail et, le soir, on n'est plus là...

Ce jour-là, vous avez cru mourir ?
Quand je les ai vus arriver, je suis parti voir Lilian (NDLR : son employé, présent dans les locaux le 9 janvier) pour appeler la gendarmerie et lui dire Cache toi et coupe ton portable... Quand je me suis retourné, je pensais que j'allais mourir. C'est l'acceptation d'une situation extrême. Tout le temps passé avec eux, j'avais chaque minute l'impression de gagner une minute de vie supplémentaire. Alors j'ai fait les choses comme ça venait. Je ne sais pas comment j'ai fait pour demeurer en vie. Je suis resté étonnamment calme, c'est ce qui m'a fait tenir et m'a sauvé. En une heure et quart avec quelqu'un, on a le temps de cerner une personnalité. J'ai discuté pas mal avec eux sur plein de choses. Quand ils ont vu les portraits de pin-up accrochés au mur, ils m'ont dit que c'était du blasphème. Je sentais qu'à tout moment les choses pouvaient basculer. Ils n'avaient pas l'intention de me laisser partir vivant au départ. J'ai dû leur demander trois fois. Et petit à petit, ça a changé. J'ai été éducateur, je ne pensais pas que ça me sauverait la vie un jour. Mais à plusieurs reprises, j'ai cru que... (il s'arrête). Je voudrais éviter de parler de ça, c'est encore trop présent dans mon esprit et dans mes cauchemars pour que je puisse en reparler tout de suite.

Michel Catalano 02

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