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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
3 décembre 2014

Les sept concessions de Hollande au patronat

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DÉCRYPTAGE

Alors que le gouvernement leur a accordé plus que ce qu’ils réclamaient en 2012, les chefs d’entreprise battent le pavé. Retour sur deux ans de victoires du Medef.

C’était il y a deux ans. Une tribune de l’Afep (qui regroupe les plus grosses boîtes de France), dans le JDD, provoquait un scandale à gauche : les chefs d’entreprise y réclamaient une baisse du coût du travail de 30 milliards d’euros. «Les grands patrons pleurent la bouche pleine», s’étranglait Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière). «Des rapaces», hurlait le Parti de gauche. «Des monstres d’égoïsme et d’ingratitude», s’indignait Olivier Dartigolles, du PCF. Même le tiède Bruno Le Roux, patron des députés PS, avouait avoir «ressenti [le texte] comme un oukase ou une leçon». Plus amusant, le gouvernement lui-même ne semblait pas très chaud pour répondre positivement au patronat. «Abaisser le coût du travail dans de telles proportions risquerait de remettre [en cause] l’objectif [de baisse du déficit]», expliquait le ministre de l’Economie d’alors, Pierre Moscovici. D’autant que «Matignon et l’Elysée ont réalisé qu’une telle mesure allait surtout constituer un choc pour le pouvoir d’achat des ménages, et tuer tout espoir de reprise en 2013», confiait un membre de la majorité.

Deux ans plus tard, les patrons sont passés de la tribune de presse à la manif de rue (Libération du 2 décembre). Avant de se retrouver ce mercredi pour un grand meeting à Lyon. Exaspérés de n’avoir rien obtenu ? Pas vraiment. La majorité a, en réalité, accordé… davantage que ce que demandait, à l’époque, le texte de l’Afep. Et les concessions ne semblent pas terminées (lire ci-contre). Ingrat, le patronat ? Passage au crible des mesures qui, depuis deux ans, ont garni le tableau de chasse du Medef. Sans calmer pour autant les ardeurs de son responsable, Pierre Gattaz.

1 Une fiscalité du capital moins salée que prévue

La pression sur le gouvernement surgit cinq mois à peine après l’arrivée de François Hollande à l’Elysée. Pas du Medef ni de la CGPME, mais d’un mouvement né sur Internet : «les Pigeons». Prenant la France à témoin sur le danger que provoquerait, pour l’«esprit d’entreprise», un alignement de la fiscalité du patrimoine sur celle du travail, ces jeunes start-upers font vite plier le gouvernement. Non, la taxation des plus-values d’actions ne sera pas totalement ramenée au même niveau que celle des revenus du travail, comme promis pendant la campagne. Au bout d’un certain temps de détention des titres, elle sera même inférieure à ce qui existait… sous Sarkozy. L’exécutif pose un premier genou à terre. Medef et CGPME sauront en profiter.

2 L’impôt sur les sociétés réduit de 20 milliards

Quelques jours à peine après cette première concession, place au «pacte de compétitivité» du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Inspiré du rapport Gallois, il accorde à toutes les entreprises un crédit d’impôt équivalent à 6% de la masse salariale de l’entreprise. Seule limite : ne sont pris en compte que les salaires jusqu’à 2,5 Smic. Mais sinon, les banques et la grande distribution toucheront comme l’industrie. Coût pour l’Etat en rythme de croisière : 20 milliards par an, dont un tiers sera financé… par une hausse de la TVA sur les ménages.

3 Une loi timorée sur les banques

Printemps 2013, au tour des banquiers. La loi les concernant, qui devait séparer en deux entités distinctes les activités de financement de l’économie de celles, spéculatives, de marché, est réduite à peau de chagrin. La filialisation des activités risquées des banques ne représentera, en effet, qu’une partie très limitée de leur chiffre d’affaires. Pour certains établissements, la réforme sera même nulle sur ce point, tant le périmètre concerné correspond à une part résiduelle de leur activité. La finance, «véritable adversaire» de Hollande pendant la campagne, s’en sort très bien.

4 Les rémunérations des patrons non encadrées

Peu avant l’été 2013, c’est la promesse de campagne de François Hollande sur l’encadrement des rémunérations des patrons qui passe à la trappe. Alors que les salaires des dirigeants d’entreprises publiques ont été plafonnés à 450 000 euros par an, l’exécutif préfère, pour ceux du privé, s’en remettre à l’«autorégulation exigeante» des organisations patronales, dixit Moscovici. Autorégulation qui se résumera au dispositif dit du say on pay, consistant à consulter, donc de façon non contraignante - et facultative -, l’assemblée générale des actionnaires sur les rémunérations des patrons. Et sans mettre fin aux scandales des rémunérations hors normes ou, plus récemment, des retraites chapeaux.

5 L’écotaxe au cimetière

Comme pour fêter le mouvement des Pigeons, c’est une autre jacquerie qui, un an plus tard, en novembre 2013, bouscule le gouvernement : les Bonnets rouges. Manifestant, parfois violemment, contre l’écotaxe, fiscalité pesant sur les transporteurs, les patrons du secteur obtiendront la mort du dispositif. Pourtant voté par la droite et la gauche en 2009, il sera d’abord repoussé, puis réduit, avant d’être enterré, à l’automne 2014, par Ségolène Royal. Pour compenser le manque à gagner (plus d’un milliard d’euros), les usagers du diesel, dont les particuliers, seront mis à contribution.

6 Le pacte : 20 milliards en plus

Fin 2013, ce sont des vœux pleins de promesses aux entreprises que livre Hollande. Certes Moscovici, de passage à l’université d’été du Medef quelques mois plus tôt, avait préparé le terrain, affirmant que «le CICE [crédit d’impôt compétitivité emploi, ndlr] ne referme pas le dossier du coût du travail, [et qu’il] faut aller plus loin». Hollande, lui, va passer aux actes. Et propose un «pacte de responsabilité», basé «sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social». Promesse concrétisée quelques mois plus tard par un dispositif en deux volets : 10 milliards de baisse de cotisations sociales, et 10 autres milliards de baisses diverses de leur fiscalité. Quant aux contreparties évoquées de la part des entreprises, elles semblent avoir fait long feu. Même si les négociations de branches ne sont pas terminées, peu d’entre elles ont conclu de vrais accords contraignants sur l’emploi. Au final, entre le CICE et le pacte, les allégements fiscaux pour les entreprises se monteront à 41 milliards. Un juste retour des choses, selon le Medef, qui considère que ces mesures ne font que compenser les 30 à 40 milliards d’impôts supplémentaires votés depuis 2010. C’est vrai. Mais sur la grosse trentaine de milliards de hausse (plutôt que 40), près d’un quart concerne des augmentations sectorielles, surtout pour le secteur bancaire. Et pour les ménages, qui ont vu eux aussi leur note fiscale gonfler de plus de 30 milliards, seuls 3 à 4 milliards ont été rétrocédés…

7 Un droit du travail raboté

Le code du travail, enfin, vit des heures tourmentées. Certes, la loi de juin 2013 n’a fait que reprendre l’accord des partenaires sociaux, et octroie de nouveaux droits aux salariés, comme les droits rechargeables à l’assurance chômage. Mais elle assouplit aussi la procédure de licenciement, avant une seconde phase dans la future loi Macron… Même chose pour les seuils sociaux, qui devraient subir quelques aménagements. Le compte pénibilité, enfin, décrié par le patronat, entrera bien en vigueur au 1er janvier, mais de façon partielle. Quant à la loi Florange sur la reprise de sites rentables, après censure du Conseil constitutionnel, elle n’est plus que l’ombre

Luc PEILLON

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