Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
24 novembre 2014

Immigration : l'avalanche de chiffres de Brice Hortefeux

Logo Les Décodeurs

L'immigration est un thème cher à Brice Hortefeux, qui ne perd jamais une occasion de dénoncer le «laxisme» de la gauche en la matière. Il l'a encore fait, dimanche 23 novembre, alors qu'il était invité du «Grand Rendez-vous» d'Europe 1, Le Monde et i-Télé. Quitte à se lancer dans un grand méli-mélo de chiffres.

Ce qu'il a dit :

«Je vous rappelle ce qui est fait aujourd'hui : élargir au maximum les naturalisations, plus de 14 %, encourager les régularisations, plus de 51 % du fait de la circulaire Valls, et diminuer le nombre des reconduites, moins 26,6 %, tout ceci aboutit à une augmentation de l'immigration légale qui est de 7 %. Ça signifie que concrètement dans notre pays arrivent chaque année près de 300 000 personnes, c'est-à-dire l'équivalent de la ville de Nantes».

Pourquoi c'est discutable ?

Commençons par quelques définitions des termes employés :

- une naturalisation, c'est le fait pour un étranger d'acquérir la nationalité française via un décret de l'Etat (donc hors du mariage, par exemple) ;

- une régularisation consiste à obtenir un permis de séjour régulier en France lorsqu'on s'y trouve en situation illégale, sous certaines conditions. L'expression est en réalité assez floue, d'autant que l'administration vient d'en changer la nomenclature ;

- une reconduite à la frontière signifie une mesure d'expulsion contrainte d'un étranger ;

- enfin, l'immigration légale correspond à l'immigration effectuée de manière régulière, et concerne donc des personnes bénéficiant de titres de séjour.

1. «Elargir au maximum les naturalisations, plus de 14 %»

Oui, mais... 

15,53 % Le chiffre est assez facile à vérifier, puisqu'il est comptabilisé par l'Insee. Et M. Hortefeux a plutôt raison : on est passés entre 2012 et 2013 de 43 067 à 49 757 naturalisations, soit 15,53 % de hausse.

Mais il oublie de préciser que cet accroissement succède à une forte baisse. En 2008, 2009 et 2010, le nombre de naturalisations était supérieur à 80 000 par an. Ainsi, en 2010, alors que M. Hortefeux était ministre de l'intérieur, on avait compté 87 033 naturalisations, soit 42 % de plus qu'en 2013. Le chiffre a ensuite diminué drastiquement, pour atteindre en 2011 un plancher à 43 067 naturalisations.

2. «Encourager les régularisations, plus de 51%»

Oui, mais... 

Brice Hortefeux a plutôt raison. Le ministère de l'intérieur de Manuel Valls a évoqué, en avril, une hausse des naturalisations, à 35 204 personnes en 2013 contre 23 294 en 2012, soit environ 50 % de plus.

Mais là encore, il faut savoir ce que l'on compte. En effet, derrière le terme de «régularisation», il existe une réalité mouvante : toutes les admissions au séjour ne sont pas des «régularisations».

Jusqu'en 2012, on comptait dans cette catégorie les «admissions exceptionnelles au séjour» : un fourre-tout servant à rassembler toutes les délivrances de titres de séjour qui n'étaient pas régies par des catégories connues et que les préfectures classaient selon des critères flous.

C'est ce chiffre, de 23 294 personnes pour 2012, qui sert de base de calcul pour comparer les deux années. Mais pour 2013, le ministère a changé de nomenclature. Il a ainsi compté, outre les «admissions exceptionnelles», 2 106 régularisations «de travail», et 9 477 régularisations «familiales», soit un total de 12 000 régularisations supplémentaires. Mais il a exclu d'autres délivrances de titres de séjour : environ 6 000 malades et 3 000 parents d'enfants français.

Si on regarde la totalité des admissions au séjour sur une période plus longue, on observe une hausse régulière : 171 907 titres accordés en 2007, 183 893 en 2008, 194 401 en 2009, 196 507 en 2010, 193 000 environ en 2011 et 2012, et donc 203 996 en 2013. Soit une augmentation de 18,6 % sur la période.

Dans le détail, ce sont les admissions pour motif économique qui augmentent le plus (51,75 %), ainsi que les titres de séjour accordés aux étudiants (34,18 %). L'immigration familiale, la plus nombreuse, n'augmente que de 6,4 %, l'humanitaire de 12,8 %.

3. «Diminuer le nombre des reconduites, moins 26,6 %»

Oui, mais... 

Ici, encore, M. Hortefeux n'a pas tort, mais joue quelque peu sur les dates.

50 000 Selon un rapport de cinq associations habilitées à la gestion de centres de rétention, on a compté, en 2013, hors outre-mer, 27 051 «mesures d'éloignement» d'étrangers. Sur ce total, on compte 7 386 mesures d'aide au retour volontaire et 20 823 expulsions en métropole. Pour l'outre-mer, le chiffre est de 23 635 mesures, soit un total de plus de 50 000 éloignements.

Ce chiffre est effectivement en baisse par rapport à 2012, où l'on comptait, pour la seule métropole, 36 822 éloignements, soit le record absolu. Avec 27 051 expulsions, on retrouve les niveaux de 2010, l'époque où Brice Hortefeux place Beauvau (28 026).

4. «Tout ceci aboutit à une augmentation de l'immigration légale qui est de 7 %» 

Oui, mais... 

Ici, M. Hortefeux fait un savant mélange : il vient d'évoquer d'une part les acquisitions de nationalité française par naturalisation, ensuite les régularisations, c'est-à-dire l'obtention de titres de séjour pour des étrangers en situation irrégulière et enfin les expulsions d'étrangers en situation irrégulière. Soit des catégories assez différentes.

Néanmoins, il les réunit toutes pour estimer que «tout ceci» aboutit au final à une hausse de l'immigration légale. Ce qui est quelque peu raccourci.

En 2013, on compte au total 97 318 acquisitions de nationalité, et 197 781 titres de séjour délivrés pour divers motifs. Donc environ 306 041 personnes qui sont devenues françaises ou qui ont obtenu le droit de séjourner en France. Deux chiffres différents que M. Hortefeux agrège pour aboutir à sa comparaison avec la ville de Nantes. Pourtant, là encore, si on regarde sur le plus long terme, on constate qu'il y avait plus de séjours et d'acquisitions de nationalité en 2010, lorsque M. Hortefeux était au pouvoir, qu'aujourd'hui.

On ne peut pourtant pas dire que «dans notre pays arrivent chaque année près de 300 000 personnes» : on peut obtenir la nationalité française sans résider en France. Et on peut avoir un titre de séjour alors qu'on réside déjà en France, c'est justement toute la question des régularisations.

De même, l'immigration légale agrège immigration de travail, regroupement familial, étudiants étrangers et réfugiés humanitaires en un seul et même chiffre qui ne veut pas dire grand-chose.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 842 102
Publicité