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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
7 novembre 2014

Juppé-Sarkozy, le jeu de dupes vers 2017

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L’ancien chef de l’Etat, en meeting ce soir à Paris pour la présidence de l’UMP, et le maire de Bordeaux ont choisi des voies divergentes vers leur objectif.

C’est une bien étrange compétition dans laquelle sont engagés Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. S’ils visent bien le même objectif – l’Elysée en 2017 –, les deux favoris ne courent ni sur la même distance, ni sur le même terrain. Dans ce drôle de match, chacun s’accuse de ne pas avoir le courage de jouer vraiment le jeu. Sarkozy fait le pari que son écrasante élection, le mois prochain, à la tête de l’UMP, suffira à le rendre incontestable. «Ils ont intérêt à me bloquer sur la bretelle. Quand je serais sur l’autoroute, personne ne pourra m’arrêter», fanfaronne-t-il devant ses lieutenants.

 L’ancien chef de l’Etat, qui tient ce vendredi soir un meeting à Paris, a choisi le sprint: d’ici au 29 novembre, il espère avoir séduit plus de 80% des quelque 260 000 militants officiellement recensés. Chef du parti, il s’imposera ensuite quasi mécaniquement comme le candidat naturel. N’est-ce pas la règle immuable de sa famille depuis le sacre de Chirac, il y a quarante ans? Les sarkozystes font remarquer que Juppé aurait très bien pu tenter sa chance en briguant, lui aussi, la présidence du parti. «Mais il n’a pas eu le courage de le faire, tant pis pour lui», ajoutent-ils.

"Peur de perdre"

Le maire de Bordeaux, lui, parie que les temps ont changé et que la conquête du pouvoir ne passe plus par la présidence du parti, mais par cette élection primaire qui sélectionne, en 2016, le meilleur candidat de la droite et du centre pour le premier tour de la présidentielle. Juppé s’est donc lancé dans une longue course de deux ans pour gagner cette «primaire ouverte» qui devrait mobiliser, selon lui, pas moins de 3 millions d’électeurs. Sarkozy a beau protester qu’il n’a rien contre cette compétition et qu’il ne fera rien pour l’éviter, la méfiance s’est installée.

Il est vrai que les proches de l’ex-Président n’ont jamais caché leur opposition au principe même des primaires quand Fillon a exigé qu’il soit gravé dans les statuts de l’UMP. Vrai aussi que Sarkozy à cent fois proclamé depuis sa défaite du 6 mai 2012 que la politique politicienne ne l’intéressait plus et qu’il préférerait se faire moine plutôt que de s’occuper de l’UMP. La primaire lui offrait justement la possibilité de ne pas passer par le parti pour redevenir chef de l’Etat. Pourquoi n’a-t-il pas directement tenté sa chance? «Son problème, c’est qu’il a peur de la perdre», assurent les juppéistes.

La mission du président remise en cause

C’est ainsi que les deux rivaux campent, l’arme au pied, sur leur propre champ de bataille, en s’accusant mutuellement de fuir le combat. Ce jeu de dupe est rendu possible par les ambiguïtés des nouveaux statuts de l’UMP, laborieusement négociés pour sortir de la guerre Copé-Fillon. L’ancien Premier ministre avait, non sans mal, fait graver dans le marbre l’instauration d’une primaire ouverte organisée par une haute autorité indépendante.

Cette innovation majeure bousculait les vieilles habitudes de la droite bonapartiste, remettant profondément en cause la mission du parti et de son président: il ne s’agissait plus d’incarner le chef charismatique mais de garantir les conditions d’une compétition loyale et équitable entre plusieurs candidats possibles à présidence de la république. La commission chargé de rédiger les nouveaux statuts de l’UMP, aurait dû en tirer les conséquences. Elle ne l’a pas fait. «Aller au bout de la logique, c’était dire que le parti n’avait plus besoin de président élu directement par les militants», fait observer le juppéiste Benoist Apparu.

Deux conceptions contradictoires du rôle du parti coexistent. Et risquent de s’affronter durement au lendemain de la probable élection de de Nicolas Sarkozy, le 29 novembre prochain.

A chacun de ses meetings, ce dernier insiste sur sa volonté de «rassembler». Il aura «besoin» de tous - notamment de «l’expérience» de Juppé - pour construire «la plus grande formation politique du XXIe siècle». Une fois cette tâche accomplie, il promet, «le moment venu» d’organiser la primaire. «Ce n’est pas forcément la garantie d’un bon président (...) Mais c’est la seule façon de ramener le calme dans un famille politique qui a connu la pagaille», a-t-il expliqué à Toulon.

"Le 30 novembre, les choses sérieuses commencent"

Alain Juppé jouera-t-il le jeu? C’est loin d’être certain. Car pour lui, la primaire n’est pas la cerise que l’on pose sur le gâteau tout cuit. «Dès le 30 novembre, les choses sérieuses commencent. Il faudra se mettre très rapidement au travail pour préparer la primaire. Ce sera la priorité absolue» explique Gilles Boyer, le bras droit du maire de Bordeaux. «Le meilleur moyen de tuer la primaire c’est de ne pas s’en occuper» soulignent les juppéistes, rappelant que les socialistes s’y étaient pris plus d’un an à l’avance. «Ce sera sans doute la plus grosse responsabilité du futur président de l’UMP, si l’on veut que 3 à 4 millions de personne fasse un choix éclairé» explique le député-maire du Havre Edouard Philippe.

Il sera difficile, pour Nicolas Sarkozy, de ne pas satisfaire à cette exigence, également portée par tous les autres candidats potentiels à la primaire: François Fillon, Xavier Bertrand et Bruno Le Maire. Comme Juppé, tous ces responsables de l’UMP exigeront des signes tangibles. S’il s’en tient à sa désinvolte promesse d’ouvrir «le moment venu» le chantier de la primaire, Nicolas Sarkozy ne pourra pas prétendre rassembler au-delà de ses supporters inconditionnels. L’aventure serait d’autant plus risquée que rien d’empêcherait Juppé, Fillon et les autres d’organiser une primaire en dehors de grand parti que Sarkozy prétend refonder. Si elle rencontre, comme c’est probable, l’adhésion de millions d’électeurs, cette initiative serait forte d’une légitimité difficilement contestable. «Sarkozy ne pourra rien faire sans nous et nous ne travaillerons avec lui que si nous avons les garanties suffisantes», conclu un lieutenant de Juppé.

Alain AUFFRAY

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