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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
3 juillet 2014

Mise en examen de Nicolas Sarkozy : 5 questions pour comprendre

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Cette mise en examen de Nicolas Sarkozy a ébranlé le monde politique et suscite de nombreuses questions. Nos réponses à celles qui nous ont été le plus fréquemment posées.

1. Qu'est-ce qu'une mise en examen ?

C’est la deuxième phase de procédure pénale, celle qui suit l’information judiciaire. Depuis le 26 février, les enquêteurs rassemblent toutes les pièces possibles sur l’affaire pour que le tribunal puisse juger en connaissance de cause.

La mise en examen, c’est donc la décision prise par les juges d’instruction, chargés des enquêtes judiciaires, d’investiguer sur quelqu’un. Pour qu’une personne soit mise en examen, des indices graves ou concordants existent et rendent vraisemblable sa participation à un crime ou à un délit. Ce qui n’est pas le cas pour une information judiciaire.

L’article 80-1 du code de procédure pénale précise ainsi que le juge d’instruction «ne peut procéder à cette mise en examen qu’après avoir préalablement entendu les observations de la personne». Dans l’affaire des écoutes de Sarkozy, deux juges d’instruction suivent le dossier : Patricia Simon et Claire Thépaut.

2. De quoi est accusé Nicolas Sarkozy ?

Trois chefs d’accusation ont été retenus contre Nicolas Sarkozy pour sa mise en examen :

  • Le trafic d'influence

Réglementé par l'article 433-2 du code pénal, ce délit est passible de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 euros. Il consiste à :

«Solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable».
  • La corruption active

Le délit de «corruption active» est défini par l'article 433-1 du code pénal, et peut être puni d’une peine de dix ans de prison et de 150 000 € d’amende. Stade supérieur du trafic d'influence, la corruption active vise à proposer «des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques» à une personne publique, «pour elle-même ou pour autrui», dans le but qu'elle «accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction», ou qu’elle «abuse de son influence réélle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable».

  • Le recel de violation du secret professionnel

Le recel est «le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose» qui «provient d'un crime ou d'un délit». En l’occurrence, Nicolas Sarkozy est accusé d’avoir reçu des informations le concernant provenant du dossier confidentiel de la Cour de cassation. Et donc, d’avoir profité de la violation du secret de l’instruction, qui aurait été orchestrée par le magistrat Gilbert Azibert, également mis en examen. Le code pénal fait la distinction entre le recel simple et le recel commis de façon habituelle ou organisée. Le recel simple est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende, le recel commis de façon habituelle de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.

3. Est-ce une première historique ?

Non, Nicolas Sarkozy n’est pas le premier ancien président à se retrouver dans cette situation. Lui-même avait déjà été mis en examen en avril 2013 pour «abus de faiblesse» dans l’affaire Bettencourt, avant de bénéficier d'un non-lieu à l'automne 2013.

Avant lui, son prédécesseur Jacques Chirac avait été mis en examen à deux reprises dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, en 2007 et en 2009, avant d’être condamné à deux ans de prison avec sursis pour «détournement de fonds publics», «abus de confiance» et «prise illégale d'intérêt».

Sa garde à vue, initiée mardi 1er juillet, était en revanche une première historique pour un président français.

4. Pourquoi un placement en garde à vue et pas une simple audition ?

La garde à vue ne dépend pas de la gravité des faits. Aussi est-il inepte de comparer celle de M. Sarkozy et d’autres affaires politiques où il n’y a pas eu de recours à cette mesure. La garde à vue est une forme de convocation judiciaire particulière, qui implique une privation de liberté, dans le but de garder le suspect à disposition des enquêteurs et de l’empêcher de communiquer, modifier des preuves ou de fuir.

La garde à vue n’est possible que si «il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner [que le suspect] a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement ». Son régime a été modifié en 2011. La garde à vue n’est désormais possible que si elle constitue la seule option des enquêteurs pour :

  1. Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne
  2. Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête
  3. Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels
  4. Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches
  5. Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices
  6. Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit
  7. La garde à vue est cependant tout sauf rare. Selon les chiffres officiels, hors délit routier, 286 337 personnes ont été mises en garde à vue en 2013.

5. La juge Claire Thépaut est-elle une antisarkozyste notoire ?

Il faut commencer par rappeler que Claire Thépaut n’est pas la seule juge qui instruit ce dossier. Elle travaille en tandem avec une autre juge, Patricia Simon. En outre, elles ont récupéré le dossier des écoutes, mais ne les ont pas ordonnées : celles-ci sont le fait de deux autres magistrats, Serge Tournaire et René Grouman.

Mme Thepaut est sous le feu des critiques, car ancienne membre du syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche, minoritaire). Elle ne l’a en revanche jamais présidé comme on a pu le lire, ni fait partie du bureau national, confirme le syndicat au Monde.fr.

Le SM a vivement critiqué Nicolas Sarkozy pendant son quinquennat. Le 2 mai 2012, dans une lettre ouverte à l’ancien président de la république, Mathieu Bonduelle, ancien président du syndicat, écrivait :

« Qui plus que vous – et vos partisans à votre initiative ou avec votre assentiment – aura davantage (sous la VRépublique du moins) violé la séparation des pouvoirs, dégradé la loi, travesti la réalité judiciaire, dénigréle travail des professionnels de la justice, tenu pour quantité négligeable les droits et attentes légitimes de tous ceux qu’on appelle abstraitement “les justiciables”».

Autre critique : elle aurait publié une «tribune»  se réjouissant de la défaite de Nicolas Sarkozy. Là encore, c’est faux : il s’agissait d’un simple reportage de Mediapart, le 8 mai 2012, dans lequel elle est interrogée sur les conséquences de la victoire de François Hollande sur l’administration de la justice, Claire Thépaut, alors juge d’instruction à Bobigny, répondait : «Ce qui est certain, c'est que nous aspirons tous à retrouver du calme, de la sérénité et de la confiance».

Un magistrat qui l’a cotoyée explique au Monde.fr : «Je ne la vois pas mettre en examen Nicolas Sarkozy pour le plaisir. Il en va de sa réputation. A Bobigny, comme à Paris, c'est une professionnelle respectée».

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