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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
2 juillet 2014

Affaire Tapie : les liens privilégiés entre M. Sarkozy et l'homme d'affaires

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De nouveaux éléments, versés récemment au dossier judiciaire et dont Le Monde a eu connaissance, placent désormais Nicolas Sarkozy au cœur de l'affaire Tapie. Les juges, inéluctablement, souhaiteront recueillir les explications de M. Sarkozy, sous un statut qui reste à déterminer. Mais une éventuelle audition pourrait se dérouler devant une autre instance, puisqu'il est protégé par l'immunité présidentielle pour les faits portant sur la période 2007-2012, et relèverait de la Cour de justice de la République pour ceux intervenus à partir de 2004, lorsqu'il était ministre des finances puis de l'intérieur.

Le juge Serge Tournaire enquête, selon ses propres termes, sur le «simulacre d'arbitrage» dont a bénéficié Bernard Tapie en juillet 2008 : 405 millions d'euros accordés à l'homme d'affaires dans le cadre de son litige avec le Crédit lyonnais.

Au fil de son enquête, le magistrat a reconstitué le réseau relationnel de M. Tapie, qui n'a eu de cesse d'obtenir un arbitrage. Il semble que Nicolas Sarkozy, dont il est très proche, ait joué un rôle moteur dans le processus ayant abouti à la procédure d'arbitrage – qualifiée aujourd'hui par les juges d'«escroquerie en bande organisée» – à l'Elysée comme Place Beauvau ou au ministère des finances. Les archives de la présidence de la République et de l'UMP ont fourni de précieux renseignements.

Entre Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie existe une proximité forte. « M. Sarkozy voyait M. Tapie de temps à autre », se souvient Claude Guéant, en garde à vue, le 26 mai, dans les locaux de la brigade financière. Les deux hommes se tutoient, se voient souvent. Notamment avant et juste après la présidentielle de 2007. Ils se rencontrent ainsi les 8, 17 et 31 janvier, le 6 mars, les 24 et 28 avril, le 15 juin, et enfin le 30 juillet 2007.

De fait, M. Tapie a ses habitudes à l'Elysée, et le secrétariat particulier de M. Sarkozy garde la trace de ses requêtes ou interventions. Durant la campagne présidentielle de 2007, il avait été très présent au QG de M. Sarkozy. Notamment ce 31 janvier, quand il introduit Bernard Kouchner auprès de M. Sarkozy, lors d'une réunion à laquelle assiste aussi M. Guéant. «Il n'y avait strictement aucune contrepartie», a relativisé M. Guéant.

M. Kouchner, futur ministre des affaires étrangères, est pourtant une belle prise de guerre pour M. Sarkozy, apportée par Bernard Tapie. Ce dernier ne se contente pas d'appeler à voter pour Nicolas Sarkozy, il agit en sous-main, comme le reconnaît Claude Guéant : «Il a pu être chargé de missions de contacts».

C'est ainsi que le secrétariat de l'ex-chef de l'Etat a conservé la trace, le 3 août 2007, d'un appel de l'avocat Robert Bourgi, très introduit dans les milieux africains. Selon cette note adressée à M. Sarkozy par son assistante, M. Tapie aurait été reçu pendant quarante-huit heures au Congo par le président Denis Sassou Nguesso… à la demande de M. Sarkozy lui-même. «Il aurait été mandaté par vous», pour parler de «finances», écrit la secrétaire au chef de l'Etat. M. Guéant, interrogé par les policiers, s'est montré surpris : «J'ignorais cette démarche».

«PETITE FAVEUR»

Les enquêteurs ont également présenté à M. Guéant un document, daté du 15 octobre 2008, intitulé «sondage à l'attention du président de la République», concernant l'image de Rachida Dati et… de Bernard Tapie. Pour autant, selon Claude Guéant, il n'a jamais été question de nommer M. Tapie au gouvernement.

Cinq jours plus tôt, avant de participer à une émission télévisée avec la journaliste Arlette Chabot, l'homme d'affaires a déjà sollicité un rendez-vous avec M. Sarkozy, «afin de faire passer au mieux message» du président, relève la note du secrétariat. Sans parler de cette autre note, datée, elle, du 12 mai 2010 et signée par l'une des secrétaires particulières de M. Sarkozy : «M. Tapie a une petite faveur à vous demander qui ferait énormément plaisir à son épouse. Sa femme a aujourd'hui 60 ans, et Bernard Tapie demande si vous pouviez lui souhaiter son anniversaire par téléphone»

M. Guéant ne voit rien de surprenant dans cela : «Chacun sait l'activisme de M. Tapie. Lorsque je l'avais, je l'apaisais et je transmettais au ministère compétent ses revendications», a-t-il assuré aux policiers.

Reste que l'enquête révèle les étroites relations entretenues par les sarkozystes de premier rang avec les protagonistes du dossier. M. Guéant, devenu avocat, a failli s'associer avec Me Gilles August, conseil du Consortium de réalisation (CDR), la structure chargée de gérer le passif du Crédit lyonnais.

«RELATION ANCIENNE»

Les policiers ont exhumé une autre note, intriguante, datée du 24 avril 2007. Rachida Dati, porte-parole de la campagne présidentielle de M. Sarkozy, y indique au candidat Sarkozy le souhait de Stéphane Richard, actuel patron d'Orange, d'intéger le «pôle gauche de la majorité présidentielle». M. Richard, «une relation ancienne de M. Sarkozy» selon M. Guéant, s'installera quelques mois plus tard à Bercy, où il gérera personnellement l'arbitrage Tapie.

En garde à vue, Claude Guéant a lancé aux policiers : «Je m'étonne que l'actuelle présidence de la République ait détenu et conservé des archives personnelles de M. Sarkozy». Il a aussi tenu à dédouaner M. Sarkozy dans cette affaire d'arbitrage :  Le président de la République a été informé de l'évolution de ce dossier, il n'a pas donné d'instructions particulières, il n'a jamais tenu de réunion à ce propos».

C'est pourtant le 30 juillet 2007 qu'une réunion sur l'arbitrage, décrite par de nombreux témoins, a lieu à l'Elysée, autour de MM. Guéant et Tapie. Le matin même, ce dernier a rencontré personnellement M. Sarkozy.

M. Guéant connaît bien M. Tapie. Leurs relations ont débuté en 2004. «J'ai dîné un jour chez lui, mais on ne peut pas dire que nos relations soient personnelles ou amicales», a-t-il nuancé. Pourtant, entre juillet 2012 et juin 2013, les deux hommes ont des dizaines de contacts (SMS et conversations). En particulier le 24 janvier 2013. Sept minutes de discussion au téléphone… le jour même où le domicile de M. Tapie était perquisitionné.

M. Tapie, c'était d'abord, selon M. Guéant, «un plaignant clairement victime d'un préjudice majeur causé par une banque nationale». Un «plaignant», certes, mais aussi et surtout un proche allié politique

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