Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
29 juin 2014

Les meetings de campagne de l’UMP, «plus pointus que les Rolling Stones»

Logo Libération

Sarko 06

Prestataire pour le compte de Bygmalion en 2012, Pierre Boiteau raconte sa version des faits.

Où est passé l’argent ? Dans l’affaire Bygmalion, s’il ne restait qu’une seule question, ce serait celle-là. Et plus précisément : où sont passés les 17 millions réglés par l’UMP à la société Event & Cie, chargée d’organiser les meetings de Nicolas Sarkozy, et non déclarés aux comptes de campagne ?

Plusieurs faits sont difficilement contestables. En 2012, l’UMP a bien réglé 22 millions d’euros de factures à Bygmalion, société fondée par deux proches de Jean-François Copé. Une partie de cette somme (4 millions) a été déclarée aux comptes de campagne. D’après les cadres de Bygmalion, comme d’après Jérôme Lavrilleux, l’ex-directeur de cabinet de Jean-François Copé, le reste de cet argent dissimulé à la commission des comptes aurait servi à financer la campagne de 2012, qui se serait emballée au point de coûter deux fois plus cher que le plafond légal.

Les factures des prestataires, que Libération a révélées la semaine dernière, confortent cette thèse. Dans le camp sarkozyste, des doutes subsistent pourtant : les prestataires n’ont-ils pas gonflé leurs factures ? N’ont-ils pas reversé, sous la forme de rétrocommissions, de l’argent au clan Copé ? Pierre Boiteau, le patron de l’entreprise Léni, spécialisée dans la location de matériel informatique et vidéo et qui a facturé 4 millions d’euros pendant la campagne, a accepté de répondre à nos questions pour mettre fin aux «fantasmes».

Comment avez-vous été amenés à travailler sur la campagne de l’UMP en 2012 ?

Nous avons d’abord travaillé avec l’UMP pour leurs universités d’été de 2009 et 2010, puis pour une de leurs conventions. A cette période, nous avons été parmi les premiers à nous équiper d’une régie HD, capable d’émettre un signal vidéo de qualité d’une télévision, je crois que c’est ça qui les a fait rêver. Mais, pour l’anecdote, on ne travaille pas qu’avec l’UMP : nous avons aussi organisé des événements pour la campagne municipale d’Anne Hidalgo en mars 2014. Nous ne sommes pas encartés. Je n’ai d’ailleurs jamais rencontré quelqu’un de l’UMP, mon client était la société Event & Cie.

Vous avez facturé, par exemple, plus de 110 000 euros de vidéo et informatique lors du meeting de Bordeaux. A Nice, la note était de 124 000 euros. Au total, d’après les factures que Libération a pu consulter, vous avez touché 4 millions d’euros pendant la campagne. Ces sommes paraissent exorbitantes…

Si elles l’étaient, mon bénéfice aurait été hors du commun ! En 2012, j’ai pourtant fait le même bénéfice qu’en 2013, environ 1 million d’euros. Car sur les 3,2 millions que j’ai touchés hors taxe, j’ai payé le matériel, mes prestataires, les salariés, le transport du matériel, etc. Les factures étaient élevées, car le client était exigeant. Nos images étaient destinées à être diffusées, on peut comparer ces meetings à un studio de télé géant où les gens qu’il faut convaincre sont surtout ceux qui ne sont pas là, donc l’intérêt est de transmettre les images. On a comparé nos prestations à celles des Rolling Stones, mais la nôtre était en réalité plus pointue.

La précipitation peut-elle expliquer que les prix ont flambé ?

Nous avons été contactés pour organiser 6 ou 8 gros meetings. Nous en avons fait 42. En effet, quand il faut transporter le matériel d’une ville à l’autre, cela a un coût. Il n’est pas toujours disponible, il faut parfois le louer. Mais il n’y a pas eu de gabegie généralisée où tout le monde se serait goinfré, comme on peut l’entendre aujourd’hui. En face de moi, j’avais un client [Event & Cie, ndlr] qui négociait les prix, discutait. Quand on regarde les devis que nous leur avons adressés, on peut voir que nos prix ont baissé pendant la campagne, de 30% à 40% pour certains produits.

Que pensez-vous des factures des autres prestataires ? Certains meetings ont coûté jusqu’à 600 000 €…

Je ne suis pas capable de juger les autres, mais je pense que pour certaines prestations, comme la lumière, il y a eu des gros coûts de sous-traitance.

Un soupçon de rétrocommissions plane. Y en a-t-il eu ?

Il n’y a eu ni rétrocommission ni surfacturation. Ça n’existe pas. Le jour où la police viendra, ils le verront. Je vous rappelle que tous mes comptes sont passés à la loupe par un commissaire aux comptes, ils sont certifiés, je ne sais pas comment j’aurais pu dissimuler cela. Je n’ai aucun moyen de fabriquer de l’argent liquide… Je suis très droit dans mes baskets.

Quels sont les rapports de Léni avec Charles Beigbeder, homme politique proche de Copé et fondateur d’Audacia, révélés par le Point ?

En 2010, nous avons procédé à une augmentation de capital. C’est à cette occasion que j’ai rencontré des gens de chez Audacia. Leur boulot était de trouver des investisseurs pour Léni en échange d’une défiscalisation d’une partie de leur impôt sur la fortune. Audacia a donc un mandat pour représenter ces 2 335 actionnaires lors des assemblées générales. Je n’ai jamais rencontré Beigbeder.

Referiez-vous une campagne pour l’UMP ?

Je ne me pose pas ce genre de questions. Mais je suis dégoûté des raccourcis qui sont faits aujourd’hui. Je suis une boîte clean qui n’a rien à voir avec la politique, et tous mes projets de développement sont bloqués à la banque à cause de cette histoire. Après la campagne, nous étions techniquement fiers du boulot que nous avions fait.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 842 094
Publicité