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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
19 avril 2014

Grande Guerre : les animaux, ces grands oubliés des tranchées

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Chien messager

Pendant des décennies, la Grande Guerre a été retracée du point de vue des humains. Avec "Bêtes de Tranchées", l'historien Eric Baratay nous offre enfin le vécu des "soldats à quatre pattes". Chevaux, pigeons ou chiens, ils ont eux aussi été enrôlés.

L’Assemblée nationale française a reconnu, mardi 16 avril, que les animaux sont des "êtres vivants doués de sensibilité" alors qu’ils étaient jusqu’à présent considérés comme "des biens meubles". Une reconnaissance symbolique qui souligne un changement de mentalité et de comportement dans notre société à l’égard des bêtes. Il y a tout juste 100 ans, en pleine Première Guerre mondiale, les animaux n’étaient vus que comme des machines ou des instruments au service des hommes.

Dans son ouvrage, "Bêtes des tranchées", l’historien Eric Baratay nous montre pourtant que ces "soldats à quatre pattes" ont eux aussi participé massivement au conflit. Dans l’enfer des combats, ils ont vécu les mêmes peurs, les mêmes souffrances et le même destin que leurs compagnons humains. "On voit cette guerre comme la première guerre industrielle avec des gaz, des canons, des avions ou encore des tanks. Mais en réalité, il y a eu beaucoup d’animaux d’utilisés. Il n’y en avait jamais eu autant dans un conflit", explique ainsi à FRANCE 24 ce spécialiste de l’histoire des animaux, professeur à l’Université Lyon 3.

Des animaux indispensables

Cheval masque à gazComme Eric Baratay l’a recensé dans son livre, il y aurait eu environ 11 millions d’équidés enrôlés entre 1914 et 1918, dont 1,88 million dans la seule armée française : "Les chevaux étaient vraiment essentiels, que ce soit dans la cavalerie ou dans l’artillerie de campagne, pour amener les canons dans les champs de bataille. On ne pouvait pas le faire sans eux". Par exemple, dans de nombreux régiments de cavalerie, il est prévu plus de bêtes que d’hommes. Dans un régiment de cavalerie britannique, 576 chevaux et 74 mulets sont ainsi réquisitionnés pour 549 soldats. Dans l’artillerie également, 178 chevaux sont nécessaires pour une seule batterie française de quatre canons de 75.

Présents en très grand nombre, ces équidés sont les animaux les plus emblématiques du conflit. Eric Baratay s’est aussi intéressé à des "militaires" issus de la faune bien plus surprenants. Environ 200 000 à 250 000 pigeons sont en effet mobilisés au cours des quatre années de combats pour transporter des messages ou encore prendre des photos aériennes. "Malgré ce qu’on aurait tendance à croire de nos jours, les pigeons voyageurs étaient un moyen très moderne pour l’époque et pas du tout archaïque. Leur usage était tout aussi récent que celui du téléphone", précise l’historien. De la même manière, 100 000 chiens prennent aussi part à cette guerre afin de transmettre des ordres, porter des munitions ou même chercher des blessés.

Des traitements inégaux

Pigeon photographe

Même si les différentes armées se servent toutes de ces animaux, les traitements varient considérablement d’un belligérant à l’autre. Selon Eric Baratay, les soldats britanniques se montrent ainsi beaucoup plus soucieux du bien être des bêtes. Alors que les cavaliers anglais prennent le soin de défaire les selles de leurs chevaux ou de marcher à côté de leur animal pour ne pas trop les fatiguer, les Français épuisent bien souvent leurs montures. Elles sont forcées à rester debout sans être libérées de leurs sangles et souffrent du rationnement alimentaire.

Des différences qui sont avant tout culturelles. "Du côté anglais, on a l’idée qu’on a à faire à des êtres sensibles et a des psychologies individuelles. Il y a une vision pragmatique des choses. Cela renvoie aux idées du philosophe Locke au 17e siècle. En revanche, côté français, c’est le modèle de la machine qui prime. Cela renvoie à Descartes". Autre preuve du plus grand respect accordé aux animaux par les Britanniques, de nombreux régiments anglo-saxons possèdent des mascottes officielles. Une "véritable arche de Noé", accompagne ces troupes. Un cochon irlandais, un bouc du Cachemire, un chimpanzé, un lionceau et même des kangourous sont choyés par les soldats.

Singe mascotte

Les vermines des tranchées

Alors que ces animaux sont enrôlés par les hommes, d’autres s’immiscent dans le conflit sans y avoir été invités. Eric Baratay décrit les autres bêtes des tranchées qui font du quotidien un véritable calvaire. Dans cet environnement insalubre, la vermine est à son aise : "Bien souvent un soldat dans les tranchées a plus de contact avec des puces, des poux ou encore des rats. Il y a une vie commune qui s’impose car très vite, ils comprennent qu’ils n’arriveront pas à les éradiquer. On voit très bien comment les soldats s’adaptent aux rats. Au départ, ils ne les supportent pas et ensuite ils n’en font plus cas. Ils se protègent juste pour éviter qu’ils ne les attaquent".

Loin de chez lui et coupé de sa famille, le soldat s’attache même à ces compagnons d’infortune. Alors que les écrits militaires sont moins portés à décrire la vie des animaux durant le conflit et les maintiennent en arrière plan, les témoignages des "poilus", des "tommys" ou des "fritzs" font très souvent état des chevaux, des chiens ou même des vaches qui pullulent dans les zones de combats. "Il y a une même souffrance. Quand par exemple, un attelage est bombardé, tout est broyé. On n’arrive plus à faire la distinction entre les corps animaux et les humains. La communauté de destin frappe aux yeux sur un champ de bataille. On entend autant les hommes que les animaux crier", décrit Eric Baratay.

Rats

Malgré les risques et le dévouement démontré à de multiples occasions, ces soldats à poils ou à plumes n’ont pas reçu la même reconnaissance que les humains. Des décorations officielles ont été décernées à des animaux du côté britannique ou autrichien, mais très peu dans le camp français ou italien. Quelques monuments à leur honneur ont été érigés dans les années 1920, mais ils sont ensuite tombés l’oubli, longtemps ignorés par les historiens.

Il aura fallu attendre le début des années 2000 pour qu’ils reçoivent un hommage digne de ce nom avec l’inauguration du Animal in War Memorial à Londres ou du Mémorial aux animaux morts pendant les guerres de Couin, dans la Somme. "L’animal a pris une place particulière dans le monde occidental", résume Eric Baratay. "Cela rentre aussi dans le phénomène de victimisation de la guerre. On ne comprend pas comment ces gens on pu tenir et on ne l’explique plus que par la contrainte. L’animal est une victime de plus du conflit qu’il faut reconnaître".

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