Sur Europe 1, Copé accuse les journalistes d'être vendus : il fallait arrêter l'interview

Invité de la matinale d'Europe 1, le président de l'UMP a mis en cause la collusion "antidémocratique" de la presse avec Manuel Valls. C'est traiter les journalistes de vendus et tourner en dérision le professionnalisme du présentateur, estime Olivier Picard, éditorialiste et auteur de "Parlez-vous le politique ?". Le journaliste aurait dû lui demander de sortir du studio après cette accusation, selon lui.

Et tout d’un coup, vers 8h20 ce lundi 3 février d'après manifestation, Copé se prit pour sa caricature de Canteloup… "Les médias embrayent le pas à M. Valls avec une aisance qui devient franchement anti-démocratique".

Remplaçant d’un Jean-Pierre Elkabbach aphone pour l’occasion, Thomas Sotto, qu'on a connu moins débonnaire, laisse d’abord passer l’insulte avant de la faire remarquer à son interlocuteur un peu plus tard dans l’interview. Et là, le président de l’UMP lui balance : "Arrêtez d’écouter votre oreillette, Thomas Sotto, et écoutez-moi".

À ce niveau, ce n’est plus de l’insolence rugueuse, tout à fait admissible dans un mano a mano radiophonique musclé. Non, c’est de la grossièreté populiste brute. C’est la reprise des arguments les plus sombres des manifestants du "Jour de colère" qui crucifiaient les "journalistes collabos".

Non seulement, il vient de dire tranquillement à une heure de grande écoute que la presse serait vendue à la gauche et au gouvernement, mais il suggère que le présentateur de la matinale ne serait qu’une espèce de marionnette radiophonique débitant des questions téléguidées par des responsables en régie.

La profession toute entière traînée dans la boue

Thomas Sotto essaie bien de reprendre de volée son invité en lui rappelant que précisément, il est un invité, et invité à parler tout à fait librement… Mais Copé fait alors du Mélenchon : s’il est là, rétorque t-il, c’est parce que "la loi" oblige la station à respecter l’équilibre des temps de parole.

C’est gros. Très gros. Mais ça passe…

Le président du plus important parti de l’opposition vient de trainer dans la boue, en direct, le professionnalisme de l'anchorman d’Europe 1 et la neutralité de la profession toute entière, et il peut terminer tranquillement l’interview dans son fauteuil.

C’est in-su-ppor-table. Sotto aurait dû tout arrêter immédiatement, et placer Copé face à ses responsabilités : ou il s’excusait, ou il quittait le studio.

Et si Copé avait choisi de partir ? La belle affaire... On aurait meublé, voilà tout. Ça n'aurait pas été la première fois que ça arrive à l’antenne.

Respecter les journalistes

Il est temps pour les journalistes de se faire respecter. De mettre un coup d’arrêt aux insinuations d’invités politiques qui manipulent la calomnie insidieuse et entretiennent sans complexe et sans gêne ce fameux rejet des élites qui peu à peu mine la république. La stratégie d’un Copé, ou d’un Mélenchon – car ils utilisent  le même registre – est d’autant plus choquante qu’elle invoque les valeurs de la démocratie pour mieux les détourner. Et la manœuvre est d’autant plus gonflée, d’autant plus hypocrite, que ces mêmes responsables politiques font la danse du ventre pour avoir une bonne couverture médiatique, pour faire une télé ou une radio à une heure de grande écoute.

Ca suffit ! Osons remettre les pendules à l'heure. Que les échanges soient vifs, très bien. Il en va de la vitalité d’une saine démocratie.

Bien entendu, les journalistes ne peuvent se prévaloir d’une immunité qui les préserverait des réparties cinglantes, des mises en cause et même des agressions de ceux qu’ils cuisinent sans ménagement. Mais la règle du jeu suppose un combat d'égal à égal. Une loyauté réciproque. Et ce lundi matin, Jean-François Copé s’est torché avec, en direct. Cela valait un carton rouge.