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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
12 septembre 2013

Complainte d'un usager nord seine-&-marnais de la ligne P du mercredi 11 septembre 2013

 Les aventures d'un Nord Seine-&-Marnais

Tout a commencé le mercredi 11 septembre 2013 à la gare de Meaux, devant l'affichage SNCF.

Stupéfaction pour l'usager du Pays de l'Ourcq "ferroviairement dépendant" pour aller travailler en banlieue 93 : demain mercredi 11 septembre, grève des cheminots.

Après un été d'enfer à cause des grands travaux de la ligne P qui ont épuisé physiquement le malheureux salarier "non vacancier" que j'ai été voilà que ça le refait : il y aura des trains qui ne rouleront pas. Mais malgré tout de nombreux trains seront là et cela se limitera à des retards pour arriver au travail ou, pour ceux capables d'anticiper, une heure de sommeil en moins qui permettra, en se levant plus tôt, de compenser l'absence des cheminots qui se lèveront  plus tard (ça ressemble à un problème de robinet d'eau qui remplit la baignoire d'un écolier français des années 50).

Sauf pour notre bon vieux pays de l'Ourcq qui résiste toujours et encore à l'envahisseur : pour ce canton et ses alentours les usagers "ferroviairement dépendants" n'ont qu'à bien se tenir. C’est la double peine, la peine totale plutôt. En effet il n'y aura AUCUN train entre Meaux et la Ferté Milon ce 11 septembre. Que des bus de substitution.

Il faudra donc que je sorte mon optimisme de substitution pour faire face aux chocs de ce maudit septembre de rentrée 2013 (et il pleuvra en plus).

Question d'habitude me direz vous. Et c'est vrai, ici, à chaque fois nous nous illustrons par notre zèle à toujours vouloir en faire plus en matière d'anomalie dans le service des transports.

Désespéré par cette nouvelle stigmatisation de la ligne Meaux-La Ferté Milon que nous offrent les acteurs de la ligne P ma décision est prise : je me lèverai à 04h00 du matin au plus tard mardi. J'avalerai mon café en mode de pilotage automatique assisté par radar électronique, je sauterai dans ma vieille voiture à essence qui lutte bravement contre les contrôles techniques, je foncerai dans la nuit sur les petites routes désertes et fraiches du Multien, je pénétrerai en CopéLand (Meaux) sous le regard endormi des caméras de vidéo surveillance qui ne comprendront  pas pourquoi ce jour là je ne vais pas comme d'habitude prendre le train à Crouy-sur-Ourcq  ou à Lizy-sur-Ourcq ou Isles-Les-Meldeuses.

Insouciant du "qu'en dira-t-on ?" je n'écoute que mon courage : je l'aurai le train au départ de Meaux à 05h20 qui s'arrête à toutes les gares entre Meaux et Chelles puis est direct de Chelles à Paris-Est. Çà au moins c'est un train fiable et crédible. En plus c'est le nouveau train tout neuf hyper confortable et douillet qui sait bercer mes matins d'hiver dans la nuit sombre et glacée, quand je marchais à coté de mon frère sur le chemin ... des usagers.

Bref j'arrive à Meaux mal réveillé mais il faut que je me gare. Courageux mais pas très riche je  refuse de payer le parking. Je vais donc demander l'asile politique à mon copain, maire de Villenoy qui reste un gestionnaire humain car il ne taxe pas à outrance comme son voisin en campagne pour la présidentielle : il reste encore quelques places sur le territoire de la commune de Villenoy où on peut se garer sans payer.

Ma voiture bien cachée en créneau dans la file de voiture de cette rue paisible endormie je prends soin de m'assurer que je ne n'oublie rien dans le train - ho pardon dans ma voiture, le train c'est pour dans plusieurs minutes-  Car le stationnement gratuit ça a un coût malgré tout : l'huile de genoux et de chevilles. Et oui il faut marcher et marcher assez longuement pour aller à pied de la place de stationnement gratuite jusqu'à la gare de Meaux.

La gare de Meaux par rapport à une gare du Pays de l'Ourcq c'est une gare qui ne dort jamais.

Elle est à Lizy-sur-Ourcq ce qu'est LAS VEGAS à Monument Valley : des milliers d'ampoules brillent 24 heures sur 24, les hauts parleurs jacassent inlassablement pour annoncer des milliers de trains (chiffre approximatif) au départ ou à l'arrivé. Les quais sont toujours saturés de monde, le café est ouvert, le marchand de journaux vend le journal LA MARNE à la pelle (cette semaine on y parle du maire de Crouy-sur-Ourcq qui arrose ses champs pour permettre d'assécher les marais trop humides de la vallée de l'Ourcq).

Mais pour l'heure mes membres encore tout engourdis de sommeil grelottent sous les assauts du vent de cette rue qui me conduit au quai numéro 1 voie A pour pouvoir enfin grimper dans le train de 05h20 dont la clim fonctionne toujours efficacement quand il fait chaud et le chauffage agréablement quand il fait froid.

Je touche au but. Bientôt je serai assis et je dormirai pour de vrai dans mon siège ferroviaire fabriqué par le constructeur de train BOMBARDIER.

Hélas, Hélas, trois fois Hélas ! La voie A du quai numéro 1 est vide. Mon train n'est pas là.

Ma montre embuée indique pourtant 05h17. Mathématiquement je suis à l'heure pour le train de  05h20. Essoufflé mais ponctuel.

A coté de moi en plein milieu des voies, comme des figurants qui s'affairent autour de l'attraction fumante de Space mountain de Disneyland Paris, de nombreux ouvrier s'agitent fébrilement autour d'un engin énorme sur les rails, sous le feu de puissants projecteurs et dans le fracas des marteaux-piqueurs. Les travaux de nuit sont à l'œuvre pour rénover le réseau de la ligne P, comme prévu.

Mais ce qui n'était pas prévu c'est que ces travaux en ce matin de septembre se prolongent.

Et comme l'explique très bien la dame du haut parleur et dont la voix claire retentit dans toute la gare (depuis le pont du cours de Verdun jusqu'à la passerelle de la rue de Venise) : LES TRAINS SONT SUPPRIMES jusqu'à nouvel ordre. Et même (et surtout) le train de 05h20 au départ de Meaux en direction de Paris.

C'est MON train.

Je n'ai plus de train. Il est 05h20. Je dois être présent à mon travail à 07h00.

Mon chef me l'a bien dit lors de notre dernier entretien : « Il va falloir penser à déménager si vous voulez rester parmi nous au travail. Çà ne peut plus continuer comme ça. Vous êtes pratiquement tous les jours en retard. Je me moque de votre vieille maison à la campagne à Trifouillis-sur-Ourcq. Malgré toutes vos compétences on sera bientôt obligé de se passer de vous si vous persistez à vouloir nous faire croire que c'est votre train qui est en retard ».

Je me suis donc engagé sur l'honneur à ne plus jamais arriver à 07h30 au lieu de 07h00.

Depuis une semaine j'étais sur le point de gagner mon pari, grâce aux mesures draconiennes que j'ai prises pour éviter tout les pièges de la ligne P.

Mais là ce matin du 11 septembre 2013 je sais que je ne suis plus crédible.

Mon regard croise celui des autres voyageurs incrédules sur le quai numéro 1.

Ce n'est pas un rêve. Le train est supprimé. Pas à cause de la grève (mouvement social comme la nomme la SNCF). A cause des travaux.

La dame du haut parleur le répète inlassablement car elle sait qu’on n’arrive pas à le croire.

Et puis tout à coup un dernier espoir : un bus de substitution est mis à disposition des naufragés du train de 05h20.

Il est là à quelques pas, sur le parking des bus qui jouxtent la voie A. Je fais appel une dernière fois à ce qui me reste d'optimisme de substitution.

Tout le monde se précipite. Tête baissée tout le monde grimpe dans le 1er bus sous l'œil bienveillant de la dame du haut parleur. Car il y a deux bus. C'est le grand luxe.
 
Merci.
 
Francilien. Il est 05h25. Tout espoir n'est pas perdu. En plus on nous dit ce bus sera DIRECT.

Meaux-Chelles. Cela signifie qu'on ne perdra pas de temps à rejoindre nos malheureux compagnons de galère de ESBLY et LAGNY. Ils seront les sacrifiés de ce 11 septembre. Avec un peu de chance mon capital confiance au boulot n'est pas trop entamé. Si je sais bien négocier avec l'horloge parlante et si je me bouge un peu entre deux bus ou entre deux RER E (concrètement si je réussi à courir comme un dératé malgré mon épuisement avancé) je peux encore arriver à mon travail en Seine-St-Denis (dans le neuf trois) aux environ de 07h00 et bénéficier de l'indulgence de mon chef.

Nous sommes tous assis dans le bus qui est complet. Pas un bruit. Tous les yeux sont rivés sur le haut parleur dans lequel la dame du  SNCF semble préoccupée en parlant dans son téléphone portable.

Et la nouvelle tombe. Il faut vite descendre et changer de car. Le chauffeur du bus que nous occupons ne connaît pas la route pour aller de Meaux à Chelles.

Donc il faut vite rejoindre le car qui est juste derrière. Ce que nous faisons dans une grande bousculade. En deux temps et trois mouvements nous somme tous assis dans le deuxième bus. Le chauffeur effectivement est à son volant.

Il à l'air sympa et en pleine forme. On est tous rassurés. Il est 05h35. Les naufragés du train de 05h20 sont enfin détendus. On entend la radio sur RTL (la radio préférée des français).

Mais le bus ne part pas.

"Pourquoi "? Ose demander un voyageur assis juste derrière moi.

Le chauffeur embarrassé fini par avouer qu'il n'a pas le feu vert de la dame du haut parleur qui a disparu. Celle-ci réapparait enfin essoufflée et s'excuse. C'est bon, on a le feu vert.

Le bus démarre, contourne la gare routière, s'engage dans la rue ... passe sous le pont de chemin  de fer de la ligne P qui relie Meaux à La Ferté Milon et qui ne supportera aucun train vers La Ferté Milon aujourd'hui à cause des cheminots en grève toute la journée.

Mais j'en suis fort aise car il est 05h42 et la route est libre entre Meaux et Chelles.

Je demande à mon voisin : "Vous rappelez-vous à quelle heure exacte arrive d'habitude à Chelles notre train de 07h20 à Meaux" ?

"A 07h15 je crois", me répond t-il.

Je fais un rapide calcul. Je peux arriver à temps à la gare de Chelles pour choper un RER E qui s'arrête à toutes les gares jusqu'à Haussmann St-Lazare. Ensuite je n'aurai qu'à courir sur 800 mètres pour rejoindre l'arrêt du bus qui me conduira à mon travail.

C'est possible. Tout reste possible.

Nous sommes maintenant sur la route nationale 3. Le chauffeur sans hésiter va bon train (pardon, je veux dire bon autobus). A ma gauche la statue de Gallieni autrefois observait les autos qui passaient. Mais des méchants ferrailleurs clandestins menaçaient de la manger et on l'a retirée avant le drame prévisible. A droite, aux pieds des collines de Monthyon, les champs où se sont déroulés les combats de la bataille de l’Ourcq, du 5 au 10 septembre 1914 ne sont plus observés par personne. Et nous sommes le 11 septembre 2013. Cela fera 100 ans l'année prochaine.

Je pense à la dame du haut parleur SNCF de la gare de Meaux. Elle doit savourer un café chaud dans son bureau, devant son micro, annonçant aux nouveaux voyageurs qui sont arrivés plus tard que moi que "par suite d'événement indépendant de notre volonté les trains aux départ de Meaux sont supprimés. Nous nous excusons pour ce désagrément".

Tâche ingrate que la sienne.

La route nationale 3 est vraiment bien aménagée. C'est une voie rapide et nous voila déjà sous le pont du TGV qui fonce vers Strasbourg en passant juste au dessus de Lizy-sur-Ourcq à une vitesse vertigineuse puis sous le pont de la ligne P qui relie Lizy-sur-Ourcq à Crouy-sur-Ourcq et qui est déserte aujourd'hui.

On franchit le canal de l'Ourcq. Un pincement au cœur me saisit. Ici coule un peu d'eau qui a échappé à l'irrigation des grandes cultures intensives du maire de Crouy-sur-Ourcq.

Dans quelques instants notre bus abordera l'échangeur de Claye-Souilly à hauteur du grand centre commercial Carrefour. Sans quitter le réseau routier de voies rapides (sans traverser d'agglomération) notre bus changera de direction et empruntera la route D34 en direction de Chelles qui se trouve à quelques kilomètres d'ici. La partie semble gagnée. Nous avons réussi à conjurer le mauvais sort. Je n'aurai que peu de retard au boulot où j'aurais du arriver à 07h00. Il est 05h58.

Mais pour une raison incompréhensible (on osera jamais lui demander pourquoi) le chauffeur quitte la  route nationale 3 avant le centre commercial : il sort au centre ville de Claye-Souilly.

Silence et inquiétude dans le bus. Personne n’ose troubler la conduite du chauffeur qui a quitté la route nationale 3 et qui rentre maintenant dans l’agglomération de Claye-Souilly.

Tout est fichu. Avec ce nouveau contretemps c’est impossible d’arriver à la gare SNCF de Chelles assez tôt pour un RER qui me permettra d’être à l’heure au travail.

Le bus a maintenant toutes les difficultés du monde à se faufiler dans les petites rues de la ville. Un rétroviseur dépasse un peu trop dans un virage et il devient impossible de passer sans l’accrocher. Imperturbable le chauffeur descend et replie le rétroviseur.

On continue mais cette fois c’est un camion livreur garé devant une boulangerie qui empiète légèrement sur la chaussée. Le livreur tout en continuant à téléphoner sur son portable replie lui-même son rétroviseur puis celui de la voiture de l’autre côté de la rue. Ensuite il fait signe au chauffeur de notre bus en le guidant et c’est reparti.

Ça passait juste.

Nouvelle rue étroite et en virage. Cette fois-ci ça ne passe pas. Le chauffeur du bus fait marche arrière dans la nuit de cette tranquille bourgade encore endormie. Puis il fait demi-tour et roule sur une rue plus large. Mais cela mène à une impasse : à deux pas de la voie rapide qu’on n’aurait jamais du quitter quelques précieuses minutes auparavant. Un peu plus loin on aperçoit l’échangeur N3/D34 qui aurait permis d’arriver à Chelles très très vite.

Nouveau demi tour  pour nous et nous voila engagé dans une nouvelle rue qui cette fois nous conduit à la sortie sud-est de la ville et nous permet de rejoindre enfin la D34 que nous aurions du emprunter beaucoup plus tôt sans cette incursion dans la ville de Claye-Souilly.

Le silence est toujours complet dans le bus. On ne saura jamais pourquoi on a quitté la N3.

La question n’est plus d’actualité. Nous voilà à Chelles. On longe la ligne de chemin de fer.

La gare apparaît, éclairée de mille feux comme à Meaux.

Le bus s’arrête à la gare routière. Je bondis hors du véhicule. Je rentre dans le grand hall et mon regard cherche les panneaux d’affichages : prochain RER E à 06h17. Il est 06h14.

Les trains mentionnés sur le panneau au-dessus de celui de 06h17 sont indiqués  «supprimés».

Le train en-dessous aussi. C’est bien une journée de grève des cheminots ici aussi.

Je suis maintenant sur le quai et le RER va entrer en gare de Chelles. Il y 3 fois plus de monde que d’habitude. Il n’est pas nécessaire d’interroger certains usagers pour comprendre à la seule expression de leur visage déjà fatigué qu’il y a beaucoup trop longtemps qu’ils attendent là. Mais ils n’ont pas eu la chance de suivre les conseils de la dame du haut parleur de la gare de Meaux. Ils n’ont pas connu la visite du centre ville de Claye Souilly à 06h du matin en bus affrété par la SNCF.

Je préviens par SMS un collègue du travail que sans doute je serai un peu en retard.

Mais la chance tourne. Après avoir quitté le RER E mon prochain bus circulera sans encombre. J’ai beaucoup couru mais j’arriverai 5 minutes avant l’heure au travail.

J’avais prévu d’y arriver à 06h30.

Je m’étais accordé cette demi heure de marge de sécurité aux cas ou...

Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.

Mais évidement vous n'êtes pas obligés de me croire !

Il était une fois dans l'est 01

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Commentaires
J
J'ai apprécié la romance ! Elle aurait pu être un bestseller mais le côté revanchard envers TON maire, TON agriculteur, enlève le piquant d'une complainte qui, hélas, ressemble au vécu de l'usager lambda.
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