Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
25 juin 2013

Sports Jalabert : questions sur un champion

Logo Libération

Jalabert«Je ne peux pas dire que ce soit faux, je ne peux pas dire que ce soit vrai», a réagi Laurent Jalabert aux révélations de l’Equipe.fr, hier, selon lesquelles il carburait à l’EPO lors du Tour de France 1998, le fameux de l’affaire Festina, des descentes de flics, des gardes à vue et de la fronde des coureurs emmenés par un certain... Laurent Jalabert. Même si elle tombe un peu trop tard pour être proposée comme sujet au bac philo, cette phrase ne devrait pas tarder à rejoindre le mythique «à l’insu de mon plein gré» de Richard Virenque dans le dictionnaire des formules cultes chantournées par les experts de la triche médicamenteusement assistée. Trois questions sur des révélations.

Comment Laurent Jalabert a-t-il été confondu ?

C’est grâce à la commission sénatoriale sur l’efficacité de la lutte antidopage qui mène depuis la mi-mars un audit complet sur le sujet. Dans le cadre de ses travaux, elle s’est fait remettre les procès-verbaux des analyses réalisées en 2004 sur des échantillons prélevés sur le Tour qui s’était couru six ans plus tôt. En 1998, si l’usage de l’EPO n’est un secret pour personne, sa détection n’est pas encore possible (elle le sera deux ans plus tard, aux JO de Sydney). Néanmoins, les échantillons urinaires sont conservés au Laboratoire national antidopage de Châtenay-Malabry. Analysées de manière anonyme en 2004, ils révèlent, d’après l’Equipe, un usage massif de l’EPO dans le peloton 1998. Les sénateurs se sont vu remettre les procès-verbaux qui permettent de mettre un nom sur ces échantillons anonymes.

Cette même mécanique avait permis à l’Equipe de révéler, en 2005, à peine l’Américain avait-il raccroché son vélo, que Lance Armstrong était chargé à l’EPO dès sa première victoire dans le Tour. Si le nom de Jalabert sort aujourd’hui, il ne devrait pas rester seul bien longtemps. Les annexes du rapport de la commission sénatoriale, dont la publication est prévue le 18 juillet, devraient révéler l’identité de tous les positifs a posteriori des Tours 1998 et 1999. Par souci d’économiser le papier, mieux vaudrait peut-être se contenter de publier la liste de ceux qui étaient clean.

Est-ce une surprise ?

Non. Et Laurent Jalabert est sans doute le seul à être «tombé de l’armoire». Au-delà de toutes les rumeurs qui ont couru sur le compte d’un coureur classé comme pur sprinter jusqu’en 1994 puis métamorphosé en cycliste complet capable de remporter des grandes courses à étapes (comme la Vuelta en 1995), des classiques et de gagner sur le Tour de France le maillot vert (classement par points) ou à pois (meilleur grimpeur), Laurent Jalabert est le produit d’un cyclisme des années 1990, dont on a appris depuis qu’il était gangréné par l’EPO. Et quand on sait que le «panda» squatta la tête du classement mondial entre 1995 et 1998... Dans son livre, Fin de cycle, Autopsie d’un système corrompu (La Martinière, 2013), le journaliste Pierre Ballester rappelle opportunément que le procès de l’affaire Festina, en 2000, avait mis au jour, non seulement l’étendue du dopage à l’EPO au cours de ces années-là mais également la duplicité de l’Union cycliste internationale (UCI), et particulièrement celle de son président de l’époque, le Néerlandais Hein Verbruggen. «Votre prise de conscience de l’EPO est antérieure à 1990, lance le président du tribunal à celui de l’UCI, interrogé pendant près de cinq heures. Implicitement, ce qui est combattu, ce n’est pas le dopage, mais l’abus de dopage», poursuit le magistrat, documents à l’appui prouvant que l’UCI savait tout.

A l’époque, Laurent Jalabert, courait dans l’équipe espagnole Once, managée par le sulfureux Manolo Saiz, dont le nom fut plus tard cité dans l’affaire Puerto, un vaste système de dopage sanguin en Espagne qui mouilla tout le gratin du cyclisme de la fin des années 2000, mais qui est sorti blanchi du récent procès qui vient de se dérouler en Espagne.

Que risque-t-il ?

Professionnellement les révélations de l'Equipe ont d'ores et déjà coûté à Jalabert ses activités de consultant. Il devait officier sur le Tour pour France Télévisions et RTL : il a annoncé par un communiqué à l'AFP qu'il serait forfait cette année. «Face aux soupçons dont il est l'objet, Laurent Jalabert a souhaité suspendre provisoirement sa collaboration [...] en attendant de faire la clarté sur la réalité des accusations qui pèsent sur lui, a expliqué France Télévisions, qui prend acte avec regret de cette décison, en espérant pouvoir prochainement lui renouveler sa confiance.»

Sur le plan sportif, il ne risque rien. Quinze ans après, les faits sont prescrits. La plupart des grands noms du cyclisme des nineties sont tombés ou passés aux aveux, comme Bjarne Riis (vainqueur du Tour 1996, sous la direction duquel Jalabert termina sa carrière au sein de l’équipe CSC), Lance Armstrong ou, tout récemment, Jan Ullrich. Pas Laurent Jalabert. Auditionné par la commission sénatoriale le 15 mai, il a nié avoir eu recours sciemment au dopage, tout en décrivant l’univers extrêmement médicalisé des cyclistes: «Des corticoïdes pouvaient être administrés pour soigner certaines pathologies. Je ne peux pas dire avec fermeté que je n’ai jamais rien pris d’illicite. Mais je peux assurer qu’à aucun moment, je n’ai cherché à rencontrer un médecin pour améliorer ma performance ou participer à la courses à l’armement. (...) On était soignés mais était-on dopés ? Je ne le crois pas.»

Reste que ces révélations éclairent d’une autre lumière la stratégie, durant le Tour 1998, de Laurent Jalabert et de son mentor, Manolo Saiz, chantres de la défense des coureurs injustement livrés à la suspicion du public et au zèle des «suceurs de sang», et qui préférera finalement quitter le Tour, avec toutes les équipes espagnoles. On comprend mieux pourquoi aujourd’hui.

Le commentaire de Daniel Hue le Crouycien

Peloton tour de France

Chercher le coureur qui ne s'est pas dopé...

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 842 071
Publicité