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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
4 avril 2013

“Il existe une solution simple et définitive au problème des paradis fiscaux”

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C’est un immense pavé dans la mare des paradis fiscaux. Les révélations publiées ce jeudi par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et 38 médias - dont Le Monde pour la France - jettent une lumière crue sur les petits secrets de plus de 100 000 personnes qui profitent des avantages fiscaux de places financières opaques de par le monde.

Ces informations publiées sur les titulaires de comptes dans des paradis fiscaux sont basées sur “le plus important stock de données venues de l'intérieur sur le système des sociétés off-shore jamais obtenu par des médias”, raconte le quotidien britannique The Guardian, qui a eu accès à l’intégralité de ces documents.

Cette gigantesque base de données permet de savoir que des personnalités aussi diverses que Jean-Jacques Augier, l’ex-trésorier de la campagne présidentielle de François Hollande, ou les trois filles du président d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev, ont des intérêts financiers dans des sociétés off-shore. Mais que ces révélations apprennent-elles sur le fonctionnement de cette économie parallèle ? Peuvent-elles avoir un impact sur les paradis fiscaux ?

Gabriel Zucman, doctorant à l’École d’économie de Paris et spécialiste français des paradis fiscaux, estime qu’il s’agit d’un premier pas potentiellement important et que la balle est désormais dans le camp des États et des organisations internationales.

FRANCE 24 : Quelle est, selon vous, l’importance des révélations de l’ICIJ ?

Gabriel Zucman : Il est encore un peu tôt pour savoir quelle est la portée exacte de ces révélations. Si le matériau brut semble très prometteur, il reste encore un important travail d’analyse à faire.

Le travail journalistique effectué par l’ICIJ et les médias partenaires doit maintenant être doublé d’une action des États et des organisations internationales comme le G20. Ils doivent s’en emparer pour aller beaucoup plus loin que l’arsenal actuel qui ne permet pas de lutter contre les paradis fiscaux.

Ces révélations donnent l'impression que l'économie des places off-shore est plus florissante que jamais ?

G.Z. : Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’elles ne se portent pas moins bien qu’avant le G20 de 2009, à l’issue duquel les chefs d’État avaient assuré que le problème des paradis fiscaux allait être réglé.

Cela prouve, en tout cas, que les décisions prises à l’époque n’ont servi à rien. Le G20 a obligé les paradis fiscaux à signer des traités d’entraide administrative avec les autres pays qui reposent sur un principe d’échange d’informations sur demande. Mais les conditions posées par les paradis fiscaux et les précisions qu’il faut fournir lors des demandes font que les fraudeurs sont encore largement protégés.

Il existe pourtant une solution simple et facile à mettre en œuvre pour résoudre le problème une bonne fois pour toutes. Il faudrait que le G20 décide que l’échange d’informations soit automatique et non pas sur demande.

Les données publiées permettent d’identifier des titulaires de comptes off-shore. Pensez-vous que cela puisse avoir un impact sur l’économie des paradis fiscaux ?

G.Z. : Le “name and shame” ("nommer pour dénoncer") peut-il effrayer ceux qui seraient tentés de mettre de l’argent dans des paradis fiscaux ? Le fisc américain a déjà publié une liste de personnes qui détenaient de l’argent en Suisse. Cela peut faire peur, mais je pense surtout que c’est à la justice de faire ce travail et non aux médias.

Les révélations semblent concerner avant tout les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans et les îles Cook. Chacun de ces paradis fiscaux a-t-il une spécialité ?

G.Z. : Oui, les paradis fiscaux se spécialisent dans une ou plusieurs prestations afin de se différencier. La Suisse est réputée pour gérer les grandes fortunes. Les îles Caïmans sont connues pour héberger un grand nombre de hedge funds, ces fonds d’investissement qui brassent des milliards de dollars. Les îles Vierges britanniques se sont, quant à elles, spécialisées dans la domicialiation de sociétés écrans.

La carte des paradis fiscaux a-t-elle évolué ces dernières années ?

G.Z. : Il y a une montée en puissance de places telles que Hong-Kong et Singapour qui s'est faite parallèlement à une légère baisse d'importance de la Suisse ou d'autres centres off-shore européens.

Pour la Suisse, la pression exercée par les États-Unis et les informations obtenues sur des contribuables américains qui disposaient des fonds dans les banques helvètes a probablement eu un impact sur l'attractivité du pays. Je pense que de grandes fortunes américaines ont préféré se tourner vers des places off-shore asiatiques. Il est, en effet, plus difficile pour Washington de faire pression sur Hong Kong - qui dépend beaucoup de Pékin - que sur Berne.

L’ICIJ évoque entre 16 400 milliards et 25 000 milliards d’euros qui seraient mis à l’abri du fisc dans les paradis fiscaux...

G.Z. : Il n’est évidement pas facile de connaître précisément les sommes en jeu. J’arrive, pour ma part, à une estimation moins élevée. D’après mes travaux, les paradis fiscaux gèrent environ 6 000 milliards d’euros. Ces estimations sont fondées sur les données officielles de la Banque centrale suisse qui indique qu’il y a 2 000 milliards d’euros venus de l’étranger dans les banques helvètes. La Suisse représente environ un tiers de l’ensemble des sommes placées dans les paradis fiscaux, ce qui m’amène à la conclusion de 6 000 milliards. Mais je reconnais que c’est peut-être un peu en deçà de la réalité.

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