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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
23 juin 2012

Jouanno : "La grande difficulté de l'UMP est d'être démocratique"

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INTERVIEW DE LA SEMAINE - L'ancienne ministre des Sports a reçu leJDD.fr au Sénat, où elle siège depuis octobre 2011. Disant elle-même incarner "une tendance très marginale de l'UMP", Chantal Jouanno revient sur la défaite de la droite aux dernières élections législatives et regrette la stratégie du "ni-ni" (ni front républicain, ni FN) adoptée par son parti. Cette écologiste convaincue appelle désormais sa formation à se "déverrouiller" afin que puissent s'exprimer, à quelques mois d'un congrès décisif, ses différentes sensibilités.

Claude Bartolone a été élu jeudi candidat du PS à la présidence de l'Assemblée nationale et devrait sans nul doute accéder au Perchoir. Que pensez-vous de ce choix?
Franchement, c'est avant tout l'affaire des socialistes. Je ne peux regretter que deux choses : Claude Bartolone est député depuis 1981. 31 ans à l'assemblée nationale, vous parlez d'un changement! Et puis je regrette également que ce ne soit pas une femme. Une femme à Lassay, cela aurait été un joli symbole. Mais aujourd'hui, dans le débat politique, nous sommes revenus à des postures et à des propositions qui sont celles que l'on pouvait entendre il y a 20 ans, et ce, tous partis confondus.

Les députés UMP ont quant à eux réélu Christian Jacob à la présidence de leur groupe. Vous penchiez plutôt pour Xavier Bertrand…
J'ai félicité Christian après son élection. Ce scrutin a été propre et transparent. L'UMP a toutefois besoin d'une rupture profonde, pour se relever d'une défaite historique. Et je trouvais bien d'incarner cette transition à travers la présidence du groupe.

Xavier Bertrand et Hervé Gaymard, qui briguaient également cette fonction, représentaient-ils davantage cette "rupture"?
Xavier Bertrand représentait une ouverture, dans la ligne politique, les idées, et les personnes. L'élection de Christian Jacob en revanche, n'est qu'une étape de plus dans le verrouillage que Jean-François Copé est en train d'opérer sur l'UMP. J'espère que Christian Jacob, qui est un ami de Jean-François Copé, saura faire le job en gardant une certaine indépendance et en représentant l'ensemble des députés. Il faut faire attention à ce qu'un clan ne prenne le pas sur tous les autres.

Vous pensez que l'UMP, qui se retrouve pour la première fois depuis sa création dans l'opposition, est en danger?
Si on ne déverrouille pas l'UMP, elle va éclater. On y entend la seule expression de la droitisation. Les courants humanistes ne se sont pas assez exprimés. Dès lors qu'on commence à prendre la parole, avec des positions certes décalées comme les miennes, on se fait taper sur les doigts comme si on était un enfant, ou l'on est accusé de la plus haute trahison. Il faut arrêter avec cette chape de plomb : on peut avoir un socle de valeurs communes et des divergences de points de vue qui soient acceptables. Le Parti socialiste y arrive très bien.

La reconduction de Christian Jacob signe-t-elle une première victoire de Jean-François Copé face à François Fillon, dans le duel qui oppose les deux hommes pour la présidence du parti?
Honnêtement, François Fillon n’a pas voulu s’engager ou apparaître dans ce qui ressemblait à un match. Mais je regrette justement qu'on renvoie tout à un débat Copé-Fillon. Il est temps de rentrer dans le fond. J'attends à présent le projet de chacun en vue du congrès de l'automne.

Pourquoi ne pas soutenir François Fillon dès aujourd'hui?
Même si effectivement, sur le fond, les idées de Jean-François Copé ne sont pas ma tasse de thé, je choisirai en fonction des différents projets. Aujourd'hui, on ne parle que d'un combat d'hommes, comme si on était dans un combat d’égos. Ce serait quand même pas mal que l'on sorte de la politique politicienne et que l'on parle un peu des idées, non?

Peut-on parler dès à présent des projets?
Un groupe de réflexion (interne à l'UMP, Ndlr) est déjà en train de travailler sur les valeurs du parti et doit rendre ses conclusions mi-juillet. J'ai sollicité de participer à ce groupe, car je représente une tendance très marginale de l'UMP. Je suis une écolo bobo qui s'assume. Mais de droite, sans état d'âme. Je veux expliquer pourquoi, alors que sur de nombreuses questions de société, je fais entendre une voix différente.

Le futur président du parti est-il le candidat légitime pour la présidentielle de 2017?
Je ne lie pas les deux, l'échéance de 2017 est lointaine. On ne peut pas dire aujourd'hui quel sera le bon candidat, et donc si le prochain secrétaire général le sera. Si on affirme cela aujourd'hui, c'est qu'on ne conçoit pas qu'il y ait des primaires ouvertes pour la prochaine présidentielle. Cela veut dire aussi que dès lors qu'on contrôle l'appareil, vous contrôlez tout, ce qui ne renvoie pas à une conception très démocratique de l'UMP. Il faut changer de siècle.

Aucune femme ne semble en situation de l'emporter…
Beaucoup de femmes pourraient faire pourtant de bonnes candidates, comme Valérie Pécresse ou Nathalie Kosciusko-Morizet. Le refus absolu de la féminisation est d'ailleurs un des éléments dont il va falloir débattre lors du prochain congrès.

Rachida Dati propose de couper les subventions publiques aux partis qui ne respectent pas la loi sur la parité. Etes-vous d'accord?
C'est une bonne incitation. Manifestement, les amendes ne suffisent pas.

Regrettez-vous la création d'un groupe centriste à l'Assemblée nationale?
Malheureusement, ce groupe a trouvé sa raison d'être, sa légitimité, dans la droitisation de l'UMP. C'est dommage, cela affaiblit vraiment le parti. Au contraire, il faut que cette voix s'exprime au sein du parti. Si on n'arrive pas à être plus ouverts, je suis sûre que l'UMP ne pourra garder son unité. La création d'un groupe centriste en est la première expression.

Qu'est-ce qui explique les défaites de la droite à la présidentielle et aux législatives?
Il y a une crise qui fait que tous les exécutifs ont été balayés en Europe. Il ne faut pas oublier cela. Après, il y a une droitisation globale du discours… J'étais dans l'équipe de campagne en 2007. Il y a cinq ans, nous étions sur deux pieds. Tout le monde adhérait au discours que j'ai porté sur l'écologie. Aujourd'hui, je ne peux plus dire la moitié de ce discours.

Depuis la défaite de l'UMP aux législatives, certains dénoncent la droitisation du parti, chose contre laquelle vous vous étiez élevée avant même l'issue du scrutin. Vous sentez-vous moins seule?
Oui, mais je regrette simplement que personne n'ait eu le courage de le dire avant. Une fois qu'on a perdu, il est un peu tard pour relever ses torts. L'UMP n'a pas assez mis en avant le bilan du gouvernement. Mais surtout, je regrette la porosité, dans les discours de certains, entre nos valeurs et celles du Front national. Cela s'est vu dans les résultats : partout où il y a eu des ambiguïtés, c'est le candidat de l'UMP qui en a payé le prix. On a toujours préféré l'original à la copie. Moi, je reste sur la ligne définie par Jacques Chirac : s'il faut choisir entre le FN et le PS, je choisis la gauche, même si je n'aime pas le Front de gauche.

Votre liberté de parole ne portait-elle pas atteinte à l'unité de l'UMP pendant la campagne?
Je n'ai pas voulu être une voix dissonante. Je suis toujours restée fidèle à mes idées depuis 2002. La grande difficulté aujourd'hui de l'UMP est d'être démocratique.

Que faut-il faire pour démocratiser l'UMP?
Je suis très favorable aux mouvements, mais seulement si on réforme les statuts. Sinon, il n'existera que les mouvements historiques. On changera les noms mais c'est tout. Jean-François Copé souhaite créer ces mouvements en fonction des statuts actuels. Cela signifie qu'une motion présentée lors du prochain congrès devra recueillir 10% des voix pour être reconnue comme un mouvement. C'est énorme. Par ailleurs, je souhaite qu'on ait des élections primaires, pas seulement sur le choix du candidat à la présidentielle mais aussi pour le choix des candidats sur les grandes collectivités, comme Paris. Il faut qu'on change de logiciel.

Vous avez annoncé votre intention de créer un mouvement écologiste au sein du parti. Quelle forme prendra-t-il?
A défaut de parler pour l'heure d'un mouvement, ce sera une plateforme politique, qui prendra la forme d'un think-tank mais ne sera pas directement rattachée à l'UMP. La finalité est de se présenter quand même lors du congrès. Je ne me fais pas d'illusion sur ma capacité à faire 10% en novembre. Mon but, c'est de faire du lobbying auprès de la droite pour lui apporter du complément intellectuel.

Mènerez-vous ce combat toujours au sein du parti?
Je le mènerai en tout cas jusqu'au congrès. Ce serait plus confortable pour moi d'aller porter ces idées ailleurs mais je trouve que c'est beaucoup plus utile de porter des positions au sein d'un grand parti. Maintenant, si on reste sur les mêmes logiques de fonctionnement, on verra bien. Je suis libre. Mais ce n'est pas mon souhait initial car ce serait un aveu d'échec.

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