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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
4 janvier 2012

Areva a voulu espionner Greenpeace

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La justice enquête sur une série d’opérations d’espionnage envisagées en mars dernier par le groupe nucléaire.

Le groupe Areva a-t-il commandité en mars dernier une opération "d’infiltration" de Greenpeace? Selon nos informations, le document "strictement confidentiel", daté du 11 mars 2011 émanant d’Alp Services, le cabinet d’intelligence économique suisse de Mario Brero, visait effectivement trois ONG : Greenpeace, Transparency International et Worldwatch. Pour un budget de 40.000 à 60.000 euros mensuels, "révisable au bout de trois mois", l’enquêteur suisse proposait "une veille préventive, et infiltration/lobbying" de ces trois organismes. "Nous n’avons pas donné suite, assure-t-on aujourd’hui chez Areva. Il s’agissait d’une initiative formulée par un cabinet d’intelligence économique, mais nous n’avons pas souhaité effectuer ces missions". Pour en avoir le cœur net, ces trois ONG pourraient être tentées de se constituer partie civile dans l’enquête déjà lancée par le parquet de Paris suite à la plainte déposée par Anne Lauvergeon.

C’est en effet ce même cabinet suisse de Mario Brero qui a rédigé le rapport "Pomerol 4", parvenu anonymement à l’ancienne patronne d’Areva début décembre. Débarquée en juillet, celle-ci a soupçonné son groupe d’avoir commandité en mars une enquête sur son propre mari, Olivier Fric, en marge d’une enquête sur le rachat de la société minière UraMin. Même si le rapport "Pomerol 4" écrit en toutes lettres que "les recherches… n’ont pas permis d’obtenir d’information pouvant laisser penser que M. Fric aurait pu bénéficier, de manière illégitime, du rachat d’UraMin par Areva", Anne Lauvergeon, comme l’a révélé Le Canard Enchaîné, a découvert que le portable de son mari et ses allées et venues, avaient bel et bien été espionnés.

Nom de code : "Pomerol"

Le couple Lauvergeon a donc décidé de déposer plainte pour "violation du secret professionnel", "abus de confiance" et "abus de biens sociaux". "Non seulement ma cliente ne savait pas qu’une de ses directions avait commandé un rapport sur son propre mari, mais elle ignorait aussi l’existence de toutes ces enquêtes… Comme elle découvre toute velléité d’infiltrer Greenpeace et tous autres organismes. Elle est stupéfaite", rapporte au JDD son avocat, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi. Les policiers devraient entendre l’ancienne patronne d’Areva cette semaine. Et chercher à savoir si les autres enquêtes, confiées au cabinet suisse, connu pour avoir aussi travaillé pour le patron d’EDF Henri Proglio, étaient ou non "hors les clous". "Comment dans un groupe comme Areva, une des directions peut-elle commander des rapports d’espionnage pour des montants aussi conséquents, sur des sujets aussi sensibles, sans que la présidence soit informée?", précise au JDD un des barons du groupe. "Il était impossible au-delà de 50.000 euros de ne pas passer par le bureau des achats", assure Me Versini-Campinchi. L’enquête judiciaire va donc devoir décortiquer les relations secrètes entre le cabinet d’intelligence économique suisse et les différents étages de la direction générale du groupe nucléaire.

Selon nos informations, pour faire suite à sa première proposition du 11 mars 2011, qui visait nommément plusieurs entités, dont les trois ONG, et UraMin, le cabinet suisse a ensuite adressé à Sébastien de Montessus, directeur des mines chez Areva, un autre devis, en date du 29 mars 2011. "Nous faisons suite à nos différents entretiens et réunions et nous avons le plaisir de vous communiquer ci-dessous nos différentes propositions, écrit le détective. À toutes fins utiles, et pour des raisons de confidentialité, nous vous rappelons que le présent projet sera cité sous le nom de code de “Pomerol” et les différentes phases du projet par leurs numéros ci-dessous mentionnés", commence le document avant de détailler 4 missions. Cette fois-ci, plus aucun nom propre : "Pom 1" prévoit, pour 50. 000 euros mensuels, une "veille stratégique, exhaustive et globale concernant les activités minières avec une attention géopolitique particulière sur certains pays africains et eurasiens". "Pom 2" est intitulé "background check et due diligence complet" et propose comme "sujets de recherche : diverses sociétés, leurs ayants droit économiques et leurs dirigeants, soit environ une vingtaine de personnes physiques et morales", pour un total cette fois-ci de 150.000 euros. Là encore plus aucun nom. "Pom 3" prévoit "diverses enquêtes en Eurasie", "visant à établir les organigrammes officiels et officieux", pour 30.000 euros. "Pom 4" est intitulé "due diligence sur personnes physiques et morales", "évoluant dans des environnements miniers spécifiques". Aucune mention d’UraMin. Montant de cette dernière mission, 50.000 euros. Soit un budget total, pour les 4 enquêtes secrètes, et curieusement toutes devenues "anonymes" de 280.000 euros. Les ONG ont-elles été visées? Areva le dément. Seule l’enquête judiciaire permettra d’y répondre.

"Il n'a rien déclaré tout seul"

Autre question, Sébastien de Montessus, le directeur des mines, nommé à ce poste en 2007 par Anne Lauvergeon, pouvait-il engager seul ces 280.000 euros et décider de lancer ces missions? "Il n’a rien décidé tout seul, affirme aujourd’hui un porte-parole d’Areva. Ces enquêtes ont d’abord été validées en accord avec Gérald Arbola et le directeur de la protection du groupe, Thierry d’Arbonneau". "C’est complètement faux, réplique pour sa part au JDD Gérald Arbola, ancien numéro 2 d’Areva, lui aussi débarqué en juillet dernier. Je découvre leur existence, je n’ai rien avalisé du tout, et l’enquête judiciaire le démontrera aisément", assène-t-il. Areva assure aussi "avoir découvert en juillet que le cabinet suisse avait enquêté sur Olivier Fric et de sa seule initiative". Le groupe soutient que, depuis juillet, les factures de Mario Brero "ne sont donc plus payées". "On s’expliquera", réplique un proche du détective. "Comment imaginer qu’un enquêteur privé puisse enquêter sur monsieur Fric, le mari de la présidente, sans qu’on le lui ait demandé?", s’époumone Me Versini-Campinchi. En clair, personne ne semble vraiment d’accord sur rien… dans un dossier judiciaire qui s’annonce radioactif.

La caricature de Daniel Hue

James Bond AREVA

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