Polémique sur les chiffres du chômage

Éditorial Par Patrick Fluckiger : Fallait y penser

Le cri de victoire poussé par le gouvernement après la publication des derniers chiffres de Pôle Emploi est bruyant. Nicolas Sarkozy avait donné le ton en annonçant, lundi sur TF1, que l’on verra «reculer le chômage dans les prochaines semaines». Il est normal que le président soit parmi les premiers avertis des statistiques. Il est plus discutable de le voir orienter une analyse qui est loin d’être à sens unique. Le chômage baisse moitié moins que les radiations, et uniquement dans la catégorie A, qui concerne les demandeurs d’emploi n’ayant pas travaillé du tout pendant le mois écoulé. Il augmente dans les autres catégories : les petits boulots se multiplient, la précarité s’étend.

Au total, le nombre de sans-emploi, toutes catégories confondues, s’est accru de près de 600 000 en un an. La France a franchi à nouveau le cap des 10 % de chômeurs. En incluant les départements d’outre-mer, Pôle Emploi recense 4 millions d’inscrits. La hausse est encore plus importante en Alsace et en Franche-Comté, qui sont des régions industrielles. La SAIC-Velcorex, fleuron de l’ennoblissement textile, a été mise en redressement judiciaire hier, au moment où Laurent Wauquiez, le secrétaire d’État à l’Emploi, estimait que le gouvernement avait «redressé la situation sur le front de la lutte contre le chômage».

En juin dernier, alors que les chiffres de Pôle Emploi s’étaient allégés, comme en décembre, de 18 000 chômeurs en catégorie A, le gouvernement avait été plus prudent. À l’approche des élections régionales, Nicolas Sarkozy a imposé à sa majorité un discours délibérément «positiviste». Christine Lagarde a repris, hier, sa phrase sur l’économie française qui a détruit «moins d’emplois proportionnellement que la Grande-Bretagne et les États-Unis». En omettant de rappeler que le chômage était bien plus élevé chez nous, au début de la crise…

Le gouvernement veut bannir le chômage des programmes d’économie en seconde, dans les lycées. Le rapport sur lequel il s’appuie affirme, sans rire, que les sciences économiques et sociales, telles qu’elles sont enseignées, «insistent plus sur les problèmes de notre société que sur ses réussites». Suffirait-il de ne plus parler du chômage – ou de forcer l’accent sur une baisse ponctuelle – pour voir disparaître le fléau de ces trente dernières années ? Il fallait y penser !