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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
1 septembre 2015

«C’est pas la mairie de Pétaouchnok, quand même !»

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Sabrina Hout, ancienne adjointe d'arrondissement à Marseille, avait manœuvré pour éviter de célébrer un mariage entre deux femmes. Mardi, devant le tribunal, elle a multiplié les explications confuses.

Petite robe et chignon sage, Sabrina Hout est tirée à quatre épingles. Mardi après-midi à la barre du tribunal correctionnel de Marseille, elle a pourtant du mal à tenir debout. Face à elle, Claude et Hélène, deux femmes qui l’assignent pour discrimination en raison de leur orientation sexuelle, après que leur mariage, «célébré» le 16 août 2014 à la mairie des XVe et XVIe arrondissements de Marseille, a été annulé. Interrogée par le président, l’élue, fébrile, ancienne adjointe de Samia Ghali (la sénatrice-maire PS) a pourtant tout tenté pour justifier ses manœuvres pour éviter de prononcer cette union : tantôt malade, perturbée par des problèmes personnels. Tantôt ignorante – elle ne savait pas que l’élu sollicité pour la remplacer n’était pas habilité à tenir ce rôle. Tantôt suffisamment croyante pour que cette union, contraire à sa religion musulmane, perturbe ses convictions. Et tantôt victime, elle aussi, de la stigmatisation qui a accompagné la médiatisation de l’affaire : «On m’a reproché d’être homophobe, c’est complètement faux, a-t-elle plaidé. J’ai vécu un véritable enfer. Mon nom dans la presse… On m’a aussi traité de tous les noms au travail, de terroriste, de jihadiste !»

«Les agents municipaux m’ont dit qu’il fallait le faire»

C’est pourtant sa religion qu’elle invoque lorsque deux semaines avant le mariage, elle téléphone à un ami élu pour lui demander d’officier à sa place. Appelé à la barre par les parties civiles, l’homme l’assure : «Elle m’a précisé que dans sa religion, elle ne pouvait pas le faire. J’ai voulu lui rendre service, je pensais que j’avais le droit de le faire.» Ce qui le gêne surtout, c’est que le jour de la cérémonie, Sabrina Hout, juste avant de quitter la salle des mariages, pose devant lui un cavalier indiquant le nom d’un autre élu. «Il n’y avait pas son nom dans la boîte où sont rangés les cavaliers, donc j’en ai pris un, rétorque-t-elle, niant avoir évoqué sa religion. C’était son rêve de célébrer un mariage, j’ai voulu lui faire plaisir.»

Problème, deux autres témoins viendront dire à la barre la même chose : l’agent d’accueil de la mairie et l’officier d’état civil présents ce jour-là. «Elle m’a dit que ses frères et ses cousins lui avaient dit que si elle célébrait ce mariage, elle irait en enfer», confirme cette dernière. «Je n’ai subi aucune pression, répond Sabrina Hout. C’est vrai que lors d’une réunion publique entre élus, j’ai évoqué des réserves. Je n’étais pas habituée… Mais si je n’avais pas voulu célébrer cette union, je me serais fait remplacer.» Sauf que pour se couvrir, l’élue signe tout de même le registre des mariages et le livret de famille avant de quitter la cérémonie. Là encore, elle a une explication : «Les agents municipaux m’ont dit qu’il fallait le faire. Je n’ai pas eu de formation…» De quoi désespérer le président :  «Vous êtes élue de la République et vous nous expliquez que c’est un agent d’accueil qui vous dit quoi faire ? Ça fait peur… C’est pas la mairie de Pétaouchnok, quand même !»

«Les croyances religieuses ne peuvent pas prévaloir»

Les deux témoins de moralité appelés par l’ex-adjointe n’éclairciront pas plus les débats, qui s’éternisent. Sur un point pourtant, tout le monde s’accorde, y compris les trois avocats des parties civiles lors de leurs plaidoiries (les associations Mousse et SOS Homophobie participent également à la procédure aux côtés du couple) : Sabrina Hout n’est pas homophobe. «Mes clientes s’en foutent que vous le soyez ou non, a noté maître Vouland, l’avocat des plaignantes. Elles disent qu’elles ont été victimes de discrimination, parce qu’on a refusé de les marier. Vous étiez dans un conflit interne que vous avez tranché en faisant ce faux.» Au passage, l’avocat écorne l’attitude du procureur, qui s’était contenté d’un simple rappel à la loi, s’appuyant sur la sanction administrative de la mairie de secteur, qui avait retiré à Sabrina Hout sa délégation d’adjointe. A l’audience, la représentante du ministère public a d’ailleurs jugé «légitime la requête des victimes, qui attendent réparation publique», demandant une condamnation à trois mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende. «Pour celui ou celle qui exerce un mandant d’élu, les croyances religieuses ne peuvent pas prévaloir sur les lois de la République», a-t-elle jugé utile de rappeler. L’avocat de la défense, Alain Lhote, a salué cet «oral de rattrapage» du parquet, tout en s’excusant pour sa cliente et demandant une non-inscription de la condamnation au casier judiciaire. La décision a été mise en délibéré au 29 septembre.

A l’issue de l’audience, Sabrina Hout a demandé à parler à Claude et Hélène. Pour leur souhaiter tous ses vœux de bonheur. 

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