L'ex-otage Serge Lazarevic : «Je suis un SDF de la République»

Sept mois après sa libération, l'ex-otage Serge Lazarevic raconte son difficile retour en France et dénonce l'abandon des autorités françaises.

Il y a neuf mois, sur le tarmac de l'aéroport de Villacoublay, Serge Lazarevic avait l'air rayonnant. L'ex-otage du Mali venait tout juste de recouvrer la liberté après quatre longues années de détention aux mains d'Al-Qaïda au Maghreb islamique.

Les images sont celles du bonheur : accolade avec le président de la République, embrassades avec la famille et discours de remerciement devant Jean-Yves le Drian.

Aujourd'hui, la vie de Serge Lazarevic a pris un autre tour. «L'euphorie a duré 15 jours», confie t-il dans une interview à France info ce mercredi. L'ex-entrepreneur vit désormais dans un 8m² sans fenêtre, dans l'arrière-cour de la maison de sa mère en Seine-Saint-Denis. Pour la première fois, il accepte de parler de sa nouvelle vie.

«C'est le Quai d'Orsay qui m'a amené ici. (...) Et j'ai du mal, parce que j'ai quand même une famille. Ma fille vient d'accoucher, j'ai trois petits-enfants, j'ai une femme que je ne peux pas voir parce que je n'ai rien. Il y a un lit et même pas une table et une chaise pour manger.»

Absurdité des procédures administratives 

Une situation qui devait être provisoire mais qui s'enlise depuis plusieurs mois. En attendant, Serge Lazarevic rêve d'avoir sa propre petite maison, un rêve qui parait hors de portée. «Si je veux louer une maison, on me demande des déclarations d’impôts, si je vais dans une agence immobilière on me demande des fiches de paie et mes revenus. Ce sont des absurdités car il y a toute une procédure que je ne peux pas respecter car je n’ai rien».

Impossible également pour des raisons de santé de reprendre son ancienne profession, contremaître sur les chantiers. Serge Lazarevic souffre de nombreuses séquelles, dont des troubles physiques et psychologiques. «Je suis dans un état dépressif. J’ai le bassin qui a été touché, j’ai pris des coups sur la tête, on m’a torturé, j’ai des problèmes de mémoire et d’oreille interne, et j’ai des vertiges tout le temps. Je ne sais pas si vous pouvez réaliser ce que c’est, 4 ans dans la nature, dans le Djebel, dormir sur des pierres».

Abandonné par la République 

Serge Lazarevic est un homme brisé qui se sent abandonné par son pays qui avait pourtant fêté en fanfare le retour «du dernier otage» français. Amère, il compare le Mali et la France et dit préférer sa situation d'otage.

«Depuis que je suis arrivé, je n'ai aucune aide de personne. J’ai été abandonné, je suis un SDF de la République française. Je considère que j’étais mieux au Mali, car, même si on souffre, même si on est torturé et qu’on est esclave, l’esprit comprend mieux, car il y a une explication».