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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
27 mars 2015

En Seine-Saint-Denis, l’offensive du FN sur un canton communiste

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Le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête du premier tour des départementales dans le canton de Tremblay-en-France, devant le Front de gauche.

A l’ombre de l’immense tour Utrillo vide, à l’entrée du marché des Bosquets de Clichy-sous-Bois, ce mercredi 25 mars, Pierre Laporte ne se laisse pas décourager par l’indifférence des passantes en foulard qui jettent un œil distrait sur ses tracts. «Dimanche, il faut voter ! Il faut faire barrage au Front national !», lance, casquette de cuir vissée sur la tête et moustache en brosse, ce vieux routier des campagnes électorales, candidat Front de gauche à un quatrième mandat au conseil départemental. Lui, l’ancien PCF devenu proche de José Bové, n’imaginait pas qu’un jour il devrait livrer bataille au pied des tours des quartiers les plus populaires de la Seine-Saint-Denis pour barrer la route au FN.

Dans ce canton de Tremblay-en-France-Montfermeil, Jordan Bardella, le secrétaire départemental du FN, est arrivé en tête (30,33 % des suffrages) au premier tour des élections départementales, dimanche 22 mars, devant M. Laporte (29,38 %), et pourrait l’emporter au second tour. «Entre nous, c’est Front contre Front, résume le candidat FN. Nous sommes francophiles face au Front de gauche, parti francophobe»,  assène ce proche de Florian Philippot – vice-président de son parti – qui vient de vivre, à 19 ans, son baptême du feu électoral.

«Le laboratoire d’une banlieue patriote»

Arpentant lui aussi le marché des Bosquets, Olivier Klein, maire (PS) de Clichy et en campagne dans le canton, «ne veut pas croire à la victoire d’un élu FN en Seine-Saint-Denis» dimanche. Mais ce proche de Claude Bartolone, l’ancien patron du département, reconnaît que le discours frontiste est «bien fait». «Il se veut protecteur, c’est habile», relève-t-il avant de boire un thé à la menthe, et de serrer les mains des clients qui prennent une chorba près des étals.

«Nous voulons faire de la Seine-Saint-Denis le laboratoire d’une banlieue patriote, explique M. Bardella, reprenant un concept forgé par la direction du FN. Nous ne sommes pas pour la ségrégation, nous voulons lutter contre le communautarisme. Nous voulons en finir avec la politique de la ville qui n’empêche pas le chômage mais nous pensons que le département doit rester un bouclier social», décline cet étudiant à la Sorbonne qui vit à Saint-Denis.

Ce programme frontiste remixé pour séduire l’électorat des quartiers ne peut à lui seul expliquer la percée du FN. Avec une ville UMP (Montfermeil), deux communes UDI (Combron et Vaujours) et une seule municipalité communiste (Tremblay), la droite aurait dû arriver en tête. «Les socialistes nous ont fait une belle saloperie, juge François Asensi, maire (PCF) de Tremblay-en-France. Estimant qu’il y avait encore trop de communistes dans le département, ils ont redécoupé le canton pour nous mettre en difficulté face à la droite. Mais ils n’avaient pas anticipé que le FN en profiterait», grince le député de Seine-Saint-Denis.

Le candidat UMP Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, pourtant héraut d’une ligne dure au sein de la droite, a été sèchement éliminé au premier tour (26,99 %). En binôme avec une candidate UDI, il n’est arrivé en tête que dans sa commune et à Coubron. «Les électeurs ont préféré l’original à la copie», ironise l’entourage de M. Asensi, en se référant aux positions de M. Lemoine, favorable à un rapprochement entre l’UMP et le FN.

«Défendre le cadre de vie»

Le FN a aussi trouvé un terreau fertile dans le tissu périurbain du canton. A Vaujours et à Coubron, «on est dans la France périphérique dont parle le géographe Christophe Guilluy, repère M. Bardella. Les habitants qui ont fait des sacrifices pour trouver un havre de paix apprécient qu’on propose de défendre leur cadre de vie». Autre explication du score du FN : «la déception terrible des électeurs de gauche face à la politique du gouvernement», selon Dominique Dullac, candidate en binôme avec Pierre Laporte (Front de gauche). A Tremblay, qui compte 28 % de logements sociaux, le FN a presque triplé son score par rapport à 2008.

Pour sauver son siège, le Front de gauche mise sur un réflexe «républicain» face à l’extrême droite. Mais le scénario est loin d’être écrit. Depuis sa défaite, le maire UMP de Montfermeil s’est contenté d’encourager, selon Le Parisien, les électeurs «à bien réfléchir à l’avenir qu’ils veulent pour eux-mêmes, pour leurs enfants et leurs petits-enfants». Le patron de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, député de la Seine-Saint-Denis, a appelé au soir du premier tour les électeurs de son parti à «faire barrage à l’extrême droite» en utilisant le «bulletin républicain».

Mais aucun élu UDI du canton n’a donné de consigne en faveur de M. Laporte. «Les maires de Vaujours et de Coubron ont peur d’être désavoués par leur population s’ils prennent position contre le FN, analyse M. Asensi. Ils se taisent en espérant les amadouer. Ils n’ont pas compris qu’ils finiront par se faire manger».  A gauche, le PS local a battu le rappel. Stéphane Troussel, le président (PS) du conseil départemental, «m’a appelé pour me dire qu’il me soutenait», se félicite M. Laporte. «Troussel a été très correct», salue M. Asensi. EELV a également appelé à voter pour le Front de gauche.

Le résultat du second tour dépendra «de la mobilisation des électeurs de gauche de Tremblay», pronostique M. Asensi. Réélu avec près de 69 % des voix au premier tour aux municipales de 2014, le maire communiste de la plus grande ville du canton vivrait, soupire-t-il, comme «un affront la victoire du Front».

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