Les tempêtes ont fait reculer la côte aquitaine de dix mètres
La nature n’est pas près de réparer les conséquences de l’épisode exceptionnel des huit fortes tempêtes qui ont frappé en un temps record le littoral d’Aquitaine pendant l’hiver 2013-2014. Non seulement la côte a globalement reculé de plus de 10 mètres et les plages se sont affaissées, descendant de 2 à 4 mètres. Mais en outre, l’été suivant, les vagues n’ont pas rapporté de sable comme à l’ordinaire. La façade atlantique va donc devoir affronter les prochaines intempéries sans la protection de nombreuses dunes gommées sous la violence des vagues.
«L’énergie produite par la houle a été deux fois plus importante que les hivers précédents. Nous n’avons rien trouvé de comparable dans notre base de données, qui existe depuis 1958», témoigne Cyril Mallet, chef de projet littoral au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d’Aquitaine. Avec l’Office national des forêts (ONF), le BRGM collabore à l’Observatoire de la côte aquitaine, qui réunit la région, les trois départements concernés et le syndicat mixte du bassin d’Arcachon. Jeudi 20 novembre, leurs experts ont présenté ensemble un bilan qui montre à quel point les 240 km de la côte aquitaine ont subi une série d’intempéries historiques entre décembre 2013 et mars 2014.
Jusqu’à 40 mètres de recul du trait de côte
A Soulac-sur-Mer (Gironde), la mer a avancé de 40 mètres et l'immeuble Le Signal se retrouve désormais au bord d'une falaise. JEAN-PIERRE MULLER / AFP
Selon les nombreuses mesures effectuées par le BRGM l’été dernier, le trait de côte a connu un retrait de 5 à 20 mètres – et même jusqu’à 40 mètres par endroits – au lieu d’un recul d’un à trois mètres habituellement, ce qui correspond à la moyenne mondiale. A Soulac-sur-Mer (Gironde), la mer a avancé de 40 mètres et une barre d’immeuble se retrouve désormais au bord d’une falaise.
«Nous travaillons à accompagner et ralentir l’évolution du littoral, pas à essayer de le fixer, précise Francis Maugard de l’ONF. Même avec l’intervention des agents pour planter des oyats et interdire le piétinement, il faut au moins cinq ans pour reconstituer une dune. Nous y consacrons un budget de 500 000 euros par an».
Montée du niveau de la mer
Faut-il s’attendre à devoir affronter de plus en plus de houles dévastatrices ? «Nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure de dire s’il y a un changement de la fréquence et de l’intensité des tempêtes», répond prudemment Carlos Olivera, chargé des questions climatiques au BRGM. Mais la montée du niveau de la mer est, elle, incontestable. Elle s’est élevée « de 15 à 20 cm depuis le début du XXe siècle », rappelle-t-il.
Forte érosion, risque de submersion, la conclusion s’impose, il va falloir s’adapter. Les experts du BRGM n’ont pas caché que la France va devoir opérer un véritable «changement culturel» vis-à-vis de l’aménagement des bords de mer. D’autant que la densité de population sur les côtes est 2,5 fois plus élevée que la moyenne nationale. Selon les experts, l’heure ne devrait alors plus être à la poursuite de la «bétonnisation» du littoral. Déjà plusieurs communes vulnérables, comme Lacanau en Gironde, ne s’interdisent plus d’envisager de «délocaliser» les habitations les plus exposées.