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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
10 avril 2014

«Il faut expliquer et associer la population aux choix difficiles à venir»

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Jacques Pélissard, le président de l’AMF, analyse les enjeux du mandat qui commence. Il sera marqué par les difficultés financières mais aussi par l’évolution des relations entre les collectivités territoriales.

Quels sont pour vous les principaux enjeux du mandat qui commence pour les maires ?

Jacques Pélissard 02

Il y a d’abord des enjeux liés au mode de scrutin. Les maires des communes de 1 000 à 3 500 habitants vont avoir à gérer des équipes municipales avec une logique différente : désormais, il y a la parité et ils ont autour d’eux une équipe qu’ils ont constituée, donc plus homogène. C’est une élection différente de celle qui avait lieu avant, qui offrait la possibilité de rayer des noms ou d’en substituer. Il faudra manager cette équipe sur les projets sur lesquels les candidats se sont engagés pendant la campagne. C’est un défi positif.

Deuxième défi, une approche financière nouvelle. Les dotations des collectivités vont subir une amputation effroyable. Après le gel de la DGF depuis 2011, 2014 est marquée par une baisse de 1,5 milliard d’euros – soit moins 3,5 % – et le recul de la CFE et de la CVAE. En 2015, la baisse va atteindre 4,5 milliards d’euros et elle va s’accentuer de 3 milliards d’euros chaque année jusqu’en 2017. Au total, la diminution de la DGF atteindra 10,5 milliards, et la perte cumulée va représenter 24 milliards d’euros
entre 2014 et 2017. C’est une véritable saignée des collectivités locales. En même temps, les charges continuent d’augmenter.
Il faudra se battre contre l’augmentation des charges et développer une démarche de mutualisation maximale entre les communes et l’intercommunalité pour permettre une meilleure efficacité de la dépense publique. Ce défi financier va être extrêmement délicat à gérer.
Le troisième défi, c’est un défi urbanistique : la loi ALUR transfère automatiquement la compétence urbanisme à l’intercommunalité, sauf si une minorité de blocage s’y oppose. Cela impose une approche partenariale de l’urbanisme dans le cadre de l’intercommunalité pour que les visions des équipes municipales sur leur territoire soient respectées.
Dans ces conditions financières, les maires ne rencontreront-ils pas des difficultés croissantes pour maintenir les services publics ?
Pour maintenir certains services publics gratuits ou à très faible prix que nous assurons, comme les temps d’activités périscolaires, de nombreux maires vont devoir augmenter les tarifs demandés aux
usagers. Mais la principale variable d’ajustement face aux difficultés financières, c’est l’investissement.
On peut le faire varier chaque année, alors que le budget de fonctionnement est constitué de la
masse salariale, qui n’a pas d’élasticité, et de consommables, mais on ne va pas loin en chauffant moins
les bâtiments. L’utilisation de la variable investissement par des communes quine pourront pas faire
autrement représente un risque pour la croissance française : les collectivités territoriales portent 71 % de l’investissement public civil, et les communes et intercommunalités représentent 70 % de l’investissement des collectivités.
De plus, la moitié du carnet de commandes des entreprises du BTP est assurée par les collectivités.
Il y a donc un grand risque pour l’activité économique et pour desemplois locaux non délocalisables.
Le « ras-le-bol fiscal » va-t-il empêcher la traditionnelle hausse des impôts de début de mandat ?
Oui, je le pense. Les maires sont très attentifs à la situation deleurs concitoyens et ils constatent
que le pouvoir d’achat n’augmente pas et que la pression fiscale globale est très importante.
Ils vont être face à des cas de conscience s’ils doivent augmenter les impôts d’une population qui n’en peut plus.
La durée de la crise va-t-elle faire du développement économique et de l’emploi un axe du mandat ?
Les maires peuvent être très impliqués localement pour accueillir les entreprises, maintenir un niveau de pression fiscale modérée, créer des zones d’activité mais s’il n’y a pas d’approche au niveau national pour permettre leur développement, pour réduire leurs charges et les lourdeurs des procédures qui pèsent sur les entreprises, on aura un tissu industriel français qui sera altéré par des positions insuffisamment courageuses de l’État.
Sur le plan social, la demande d’assistance va-t-elle continuer à croître ?
Oui, elle croît, on a de plus en plus de demandes des familles dans les CCAS : aide au paiement des loyers, des factures d’énergie, bons alimentaires...
En matière institutionnelle, à quelles évolutions peut-on s’attendre après l’achèvement de la carte
intercommunale et la création des métropoles ?
Il faut que l’on ait une meilleure efficacité de la gestion publique : un bloc communal efficace, lisible
et responsable, doté de la compétence générale et des compétences bien spécialisées et bien identifiées pour les départements et régions.
Il faut que l’on puisse travailler en tandem avec eux, sur les questions sociales par exemple, mais en évitant les doublons et l’enchevêtrement des compétences.
Les fusions de communes vont-elles s’inscrire à l’agenda des maires ?
Les communes peuvent fusionner volontairement. Cela peut se concevoir pour des petites communes disposant de peu de moyens, ou à l’échelle d’une intercommunalité en vue d’une meilleure rationalisation de la dépense. J’ai fait en sorte que la création de communes nouvelles s’accompagne d’une stabilité de la DGF pendant trois ans pour que celles qui le veulent puissent se rapprocher pour mettre leurs moyens en commun.
Ce mandat sera-t-il celui qui verra l’émergence politique de l’intercommunalité ?
Oui, mais l’intercommunalité ne va émerger que si elle s’appuie sur ses communes membres. Sinon,
on aura un déséquilibre qui provoquera une désaffection des élus et des citoyens pour la chose publique.
Les thématiques environnement et énergie sont-elles repoussées à l’arrière-plan ?
Cela dépend de la sensibilité des élus. Ainsi, chez moi, j’ai main tenu un gros marché d’amélioration thermique des bâtiments publics. Mais c’est vrai que les communes sont confrontées à une baisse de leur autofinancement, ce qui les amène souvent à faire des coupes sombres sur certains investissements. Dans ce cadre, il peut être tentant de réduire l’investissement environnemental.
Pour finir, si vous ne deviez donner qu’un seul conseil aux nouveaux maires, que leur diriez-vous ?
Soyez francs, soyez vrais, expliquez à vos équipes et à la population ce que vous pouvez faire et ne pas faire. La situation nous oblige à être très sélectifs sur nos investissements, il faut associer la
population à ces choix difficiles.
Nos concitoyens sont à même de comprendre, de partager les projets et les problèmes, encore faut-il les leur expliquer. Cette période de tension sur les finances locales nécessitera d’approfondir encore
davantage la démocratie locale.
Propos recueillis par Antoine BLOUET
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