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Le Blog de Daniel HUE le Crouycien
29 janvier 2014

Allemagne : une baisse de l’âge de la retraite faussement prometteuse

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Le Conseil des ministres allemand a adopté, mercredi, une réforme qui prévoit un abaissement de l’âge du départ à la retraite. À contre-courant de la tendance européenne, ce texte soulève des vives critiques au pays de la rigueur budgétaire.

C’est une réforme qui va faire saliver les salariés de pays européens en crise. Le gouvernement allemand a approuvé, mercredi 29 janvier, le principe d’une baisse de l’âge de départ à la retraite. Cette réforme avait été exigée par les sociaux démocrates du SPD comme l'une des conditions (avec l'instauration d'un salaire minimum) pour participer à la grande coalition avec la CDU d’Angela Merkel.

La réforme prévoit que certains salariés pourront bénéficier d’une retraite à taux plein dès 63 ans et non plus 65 ans comme cela est actuellement inscrit dans la loi*. Le texte doit encore passer le cap du Parlement. Mais avec une majorité absolue au Bundestag, la coalition CDU-SPD n’a pas grand chose à craindre de ce côté-là. Le texte devrait rentrer en vigueur en juillet 2014.

C’est sûr qu’à l’heure où tous les États cherchent à faire des économies, notamment en révisant le régime des retraites, cette réforme allemande risque de faire réagir”, reconnaît Anika Rasner, économiste spécialiste des questions de retraite à la Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW, l’un des principaux centres de recherches économiques en Allemagne). Une réforme coûteuse - environ 160 milliards d’euros d’ici 2030 - possible essentiellement grâce à la bonne forme économique de l’Allemagne. “La caisse des retraites est excédentaire en Allemagne et avec les bons chiffres de l’emploi, le gouvernement pense pouvoir financer ce chantier”, explique Anika Rasner.

Réforme clientéliste

Mais, prévient cette experte, si le symbole est fort, dans les faits, le texte risque d’en décevoir plus d’un. Afin de bénéficier de la réforme, il faut, en effet, avoir cotisé 45 ans. En clair, seuls ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans et qui n’ont pas connu de trop longues périodes de chômage vont pouvoir en profiter. Une mauvaise nouvelle pour les femmes, qui ont généralement des carrières plus courtes que les hommes en Allemagne. “C’est un texte dont les principaux bénéficiaires sont les hommes, essentiellement d’Allemagne de l’Ouest, qui étaient de toute façon assurés d’avoir une retraite plus confortable que la moyenne”, confirme Anika Rasner. D’après plusieurs études relayées par la presse allemande, cette réforme ne concernera que 30 % de la génération actuelle d’actifs.

Pour contrebalancer ce déséquilibre, la CDU a rajouté une disposition qui vise à améliorer la retraite des femmes au foyer. Les mères ayant eu des enfants avant 1992 auront, ainsi, droit à une retraite majorée de deux années de cotisations supplémentaires. “C’est une mesure très coûteuse [6,5 milliards d’euros en 2015, NDLR] qui ne concerne qu’une petite partie de la population”, souligne Anika Rasner.

Pour elle, loin d’être une véritable avancée sociale pour les salariés, cette réforme est l’exemple type d’une “solution à court terme à visée clientéliste”. Toujours selon cette économiste, si la SPD a fait du départ à la retraite à 63 ans un cheval de bataille, ce serait “pour rassurer son électorat populaire qui depuis les réformes économiques de l’ère Schröder ne lui fait plus confiance”. La gauche allemande a, en effet, été marquée par son échec aux élections générales de 2009 qui, pour bon nombre d’analystes, était dû au soutien de la SPD au départ à la retraite à 67 ans.

La CDU aussi s’est livrée, pour Anika Rasner, à un petit jeu politicien avec cette réforme, sans “en mesurer les conséquences financières”. La disposition en faveur des femmes au foyer donne, en effet, des gages à la frange conservatrice de la population allemande, attachée à une structure “traditionaliste” de la famille. “À l’heure où la génération allemande des baby-boomers va partir à la retraite, cette réforme risque d’entraîner une hausse des cotisations et donc être un poids pour les jeunes générations qui entrent sur le marché du travail”, regrette Anika Rasner.

* En 2029, l’âge du départ à la retraite sera, en vertu de cette réforme, 65 ans et non pas 67 ans comme cela était prévu.

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